Facebook vaut-il 50, 70 ou 1000 milliards ?

1-. Transactions sur les actions Facebook

Techcrunch nous indique que la valeur de Facebook est désormais de 70 milliards de dollars !! (source)

Voici le résultat des récentes enchères d’attribution d’actions Facebook :

« Please see below for detailed results on previous auctions and for next week’s adjusted auction calendar:

Previous Auction Results:

Total Shares Cleared to Date: 2,721,265 over five auctions

Clearing Price in Most Recent Auctions:

January 12, 2011: $28.26

December 15, 2010: $22.75

December 8, 2010: $21.90

December 1, 2010: $21.01″

L’action a donc enregistré un gain de plus de 7$ en 5 semaines, ce qui fait 33% d’augmentation !!

Plus fort encore, un investisseur (??) a donné 55$ pour acquérir ses actions, ce qui valorise Facebook à 124 milliards. (source)

L’objectif semi-avoué de Facebook serait même de devenir la première entreprise valant 1.000 milliards. (source)

Notez aussi que la capitalisation de Facebook était, selon Mashable, de 6,5 milliards au 13 juin 2009.

2-. La valeur d’une entreprise

Il existe différents critères objectifs pour déterminer la valeur d’une entreprise. Je vous en propose quelques-uns :

a. Le PER ou price earning ratio

C’est le rapport entre la valeur d’une entreprise et son bénéfice net. Dans le cas de Facebook, le bénéfice devrait atteindre les 500 millions en 2010 (source). Le PER  de Facebook tournerait donc autour des 100.

Dans l’absolu, c’est beaucoup (le PER moyen historique tournant autour de 15). Mais les valeurs de croissance ont eu droit à un autre ratio: le PEG

b. Le price earning growth (PEG)

Il convient pour l’obtenir de diviser le PER par le taux de croissance moyen des bénéfices attendus sur les années futures. Si le bénéfice de Facebook devait augmenter en moyenne de 100 % par an, nous aurions un PEG = 1. Il est communément admis que 1 est le chiffre au-dessus duquel un PEG est considéré comme trop élevé. En-dessous de 1, l’action mérite que l’on s’y intéresse.

c. La comparaison avec les entreprises du secteur

Cette méthode peut vous donner une valeur relative (c’est-à-dire par rapport à d’autres valeurs) et non pas une valeur intrinsèque.

La capitalisation des principales entreprises technologiques :

actions technologiques

Voyons comment l’action Facebook supporte la comparaison avec Google ou Apple :

A 50 milliards, FB est valorisée à 25 fois son chiffre d’affaires (2 milliards). En comparaison, Google est valorisée 9 fois son CA et Amazon 2,5 fois.

Etablissons une comparaison dans le temps. Google en 2004 était valorisée 17 fois son CA de l’époque (3,2 milliards). La firme de Mountain View a selon Le Journal du Net doublé son CA chaque année pour atteindre 23 milliards en 2010.

Le CA n’a pas doublé mais a néanmoins connu une augmentation substantielle :

google résultats

source graphique

Entre le moment de son introduction en bourse en 2004 et fin 2007, l’action Google a presque décuplé de valeur passant de  85 $ à 735 $ !!

Google est aujourd’hui valorisée près de 200 milliards de $. En 2010, ses revenus ont connu une croissance relativement forte comparé à la relative stagnation de 2009. Pour le 3ème trimestre le bénéfice par action a été de 7,64 $ (source). Cela donne un PER de  624/7,64 de 82 !! Soit presque autant que Facebook.

Vis à vis d’Apple maintenant…

Apple vient de passer le cap de 300 milliards de capitalisation boursière. (source)

Pour un résultat net de plus de  10 milliards. Le résultat ayant été multiplié par 6 en 4 ans.

google chiffre affaires

Le PER d’Apple est donc de 28-30, c’est à dire 3 à 4 fois moins que celui de FB !!

d. Commentaires

La valeur d’un actif est normalement constituée de la valeur actualisée des revenus futurs qu’il va générer. Il est bien sur impossible de déterminer avec exactitude les revenus futurs que vont générer une action (ce sont les dividendes). Il convient donc de faire des estimations.

Le défaut du PER est de ne pas avoir une vision future mais une vue ponctuelle puisque l’on ne tient compte que du résultat présent.

Le PEG apporte un élément quant à la croissance future mais toute projection me parait vraiment aléatoire et d’autant plus dans un environnement aussi changeant qu’Internet où les stars d’aujourd’hui ne sont pas forcément celles de demain.

La comparaison donne un élément relatif. Vous pouvez donc trouver dans un secteur déterminé une valeur qui serait plus intéressante mais un secteur peut dans son ensemble être surévalué. Cette méthode ne vous met pas à l’abri dans ce cas de figure.

3-. La psychologie de l’investisseur

Si les différents paramètres que nous venons de voir pour déterminer la valeur d’une action importent, l’état d’esprit des investisseurs peut à court terme et pendant une période relativement longue impacter fortement le cours d’une action.

Fin du 20ème siècle, je me souviens avoir entendu à plusieurs reprises la phrase : « Yahoo est probablement une des meilleures actions à acheter pour la prochaine décennie !! ».

En période d’euphorie, la recherche de la plus-value fait oublier tout discernement aux investisseurs. Ils entendent que d’autres ont engrangé des gains substantiels et veulent avoir leur part du gâteau.

Je vous propose ce graphique qui a fait le tour du web qui résume de manière caricaturale (mais assez exacte) le fonctionnement psychologique de l’investisseur :

psychologie investisseur

4-. Mon avis

a. Créer la rareté

Mark Zuckerberg, en choisissant de rester en dehors du marché officiel a créé une rareté relative des actions Facebook, la demande étant relativement forte eu égard à la notoriété du réseau social. Cela peut engendrer un prix artificiellement élevé des actions.

Je vous invite à lire ce billet qui montre au travers de la vente d’actions, la différence de culture essentielle entre Facebook et Google.

L’état d’esprit suivi par Google a été le suivant : « … Selon son document de dépôt auprès de la SEC, Google semble prêt, désireux même, de commencer sa vie de société cotée en bourse du bon pied, en espérant rester à l’écart de certaines conclusions de transactions privilégiées qui ont caractérisé la dernière vague d’introductions en bourse basées sur la spéculation . Au lieu de cela, Google prévoit une vente aux enchères de ses actions pour lever jusqu’à 2,7 milliards de dollars; processus ouvert à tous les soumissionnaires. »

Tandis que Facebook : «Facebook – ne remettant pas en cause les règles de Wall Street, mais qui les approuve et y souscrit. La quasi-introduction en bourse de Facebook est un accord passé avec Goldman Sachs pour construire une structure d’accueil par laquelle des investisseurs de haut de gamme peuvent essentiellement acheter des blocs d’actions Facebook. »

b. Le contexte général

Pour investir, il est essentiel d’avoir un environnement stable. Je ne vais pas entrer dans les détails mais la croissance affichée en 2010 me parait pour l’essentiel être un trompe l’œil. Une grosse partie des problèmes structurels n’a pas eu de réponse valable et les éléments d’incertitudes règnent encore.

c. La rapidité des changements

La croissance des sociétés Internet est souvent surévaluée. Les investisseurs ne prennent pas assez en compte le fait que de nouveaux acteurs peuvent rapidement surgir et éclipser une entreprise qui semble indétrônable. Je vous ai déjà cité Yahoo mais j’aurais pu prendre comme exemple Secondlife. Une introduction en 2007 de ce site aurait probablement attiré les foules alors qu’aujourd’hui il est bien rare d’en entendre encore parler.

d. Quid de la valeur de l’action ?

A titre personnel, je n’en achèterais pas à ce niveau de prix mais pour ce qui est des placements, vu le contexte général, je suis plutôt prudent.

Si vous pensez que Facebook va garder sa position ultradominante en matière de réseaux sociaux, qu’il va pouvoir continuer à monétiser son audience et que la croissance va rester forte (tout cela dans un contexte économique relativement stable), pourquoi pas ?

A mon sens, les principaux défauts de l’investissement sont :

  • le contexte économique
  • l’image de l’entreprise
  • la psychologie trop positive des investisseurs
  • l’éventuelle émergence d’un nouvel arrivant

A propos de l'auteur

Régis Vansnick

Régis Vansnick  (23 articles)

Titulaire d'un DESS en marketing (3ème cycle) et d'un mastère en sciences économiques. Prof d’e-marketing à la haute école Lucia De Brouckère et Entrepreneur, créateur de la société Dkoop dont les principales activités sont la formation à l'usage des réseaux sociaux et le conseil en stratégie. Mon proverbe favori : "If you want to go quickly, go alone; if you want to go far, go together."

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