Timeline : les community managers sont-ils des conteurs ?

L’arrivée de Timeline pour les entreprises a ouvert la voie à une nouvelle tâche que les animateurs de communautés devront vite apprendre à maîtriser : l’art de raconter une histoire. Les nouveaux profils de Facebook sont clairement orientés vers le storytelling, au travers de sa fameuse ligne de temps. À partir de là, l’animateur de communauté ne doit plus se cantonner à créer des interactions dans le présent, il doit également penser au passé.

Timeline pour les entreprises est une sorte de carte d’identité maîtrisée, à la différence de sites comme Wikipédia où ce sont les internautes qui diffusent de l’information sur laquelle l’entreprise n’a pas ou peu de contrôle.

 

Un Contexte

Le nouveau rôle de l’animateur de communauté n’est plus d’appréhender la philosophie actuelle de l’entreprise, mais bien de comprendre quels étaient les comportements inhérents à une situation donnée à une époque donnée. On pense irrémédiablement à Banania et au fameux tirailleur sénégalais qui est apparu dès la Première Guerre mondiale. Tout comme pour le fameux Tintin au Congo, il n’est pas nécessairement question de « haine raciale» mais reflète la vision d’une société sur une autre à un moment donné : Hergé n’était pas raciste. De tout temps nous pensons les autres sur des idées reçues. Aujourd’hui nous nous représentons les Japonais comme des visiteurs de musées accros aux appareils photographiques, les Américains comme des personnes obèses perfusées au Macdo … qui peut savoir ce que les générations de demain penseront de ces aprioris ? Ce n’est pas nécessairement mal, c’est simplement humain.

C’est bien là où l’animateur de communauté devra faire très attention, car ce qui hier s’apparentait à quelque chose de presque naturel, il n’en est probablement rien aujourd’hui. L’exemple pris ici est peu être fort de café (ou de cacao), mais c’est une illustration parfaite. Banania restera le tirailleur sénégalais, difficile pour la marque de faire l’impasse sur cette partie de son histoire, sur une portion de son ADN. L’animateur de communauté devra choisir entre l’oubli volontaire ou tout simplement comprendre les comportements inhérents à une époque (sans forcément les cautionner) pour agrémenter son discours avec un certain talent pour éviter toute problématique.

Il y a fort à parier que cette image soulèvera des commentaires

Pour cela, il pourra par exemple utiliser la narration et expliquer les raisons du discours polémique. Comme l’explique Wikipédia : « Le slogan historique de la marque était jusqu’en 1977 « Y’a bon Banania » prononcé par un tirailleur sénégalais. Selon la légende, ce slogan proviendrait d’un tirailleur sénégalais blessé au front et embauché dans l’usine de Courbevoie. Goûtant le produit il aurait déclaré en « moi y’a dit » : « Y’a bon ». »

 

Les Squelettes dans le placard

Un autre exemple vient des squelettes dans le placard, de ces choix que des directions antérieures ont pris à un moment donné de l’histoire. De nombreuses marques, qui plus est de vieilles marques, ont des « casseroles » qui sont un fardeau notamment lorsque l’on évoque certaines tragédies comme la Shoah ou des pratiques amorales.

Par exemple, Nike ne pourrait mettre en avant le travail des enfants dans les pays asiatiques pour lequel il fut condamné dans les années 90, tout comme Hugo Boss qui « est le dessinateur-créateur des uniformes des S.A. et des S.S. De 1933 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, la société Hugo Boss contribue à la confection des uniformes militaires du Troisième Reich, notamment ceux des SS, des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht. » (Source Wikipédia ).

L’animateur de communauté pourrait faire preuve d’humilité et par là même présenter ses excuses, mais bon dire « on a aidé les nazis, désolé » même pour un adepte de la transparence, cela fait un peu moyen et ouvre la voie à un grand nombre de commentaires négatifs, voir de trolls, tout comme utiliser simplement la mention « guerre » pour expliquer cette inertie narrative.

J’imagine déjà les trolls : « défilé militaire ? non défilé de mode chez Hugo Boss »

Ne rien dire laissera une période creuse qui suscitera un doute non négligeable pour celui qui regarde le menu en Timeline et observe un vide, suscitant une interrogation et probablement une réponse sur Wikipédia. Mais bon, les internautes iront-ils si loin ? Qui sait …

Alors, comment faire ? Comment aborder cette période sombre ? On peut très bien imaginer aborder la biographie de Hugo Ferdinand Boss, raconter sa sombre histoire pour mettre en avant celle de ses successeurs et continuer ainsi en crescendo. On peut également imaginer détourner le regard vers d’autres faits n’ayant rien à voir durant cette période, comme le marché américain de la mode.

 

Conclusion

Une marque a une histoire, sombre ou lumineuse. Les animateurs de communauté se retrouvent donc à devoir composer avec pour transcender la marque, au travers d’une jolie histoire. 

Il n’est plus question de simplement animer une relation, il faut conter une histoire qui trouve son apologie dans le présent. Cette trame narrative a pour objectif de créer une base efficiente basée sur l’expérience, on appelle cela storytelling : « La technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion. Elle peut également être utilisée pour élever la marque à un rang de mythe. Le storytelling peut utiliser des histoires réelles ( mythe du fondateur ou de la création d’entreprise) ou créer des histoires imaginaires liées à la marque ou au produit. » (source Définition marketing http://www.definitions-marketing.com/Definition-Storytelling).

Mais les internautes y seront-ils sensibles ou feront-ils preuve d’un déficit de mémoire comme c’est souvent le cas ? Qui ne mange plus de Kit Kat ? Qui ne prend plus son essence chez Total ? Affaire à suivre donc ! 

A propos de l'auteur

Antoine Dupin

Antoine Dupin  (8 articles)

Passionné par Internet et la communication, j’ai la chance d’en faire mon métier. Spécialiste des médias sociaux et des relations d’un internaute à une marque, j’effectue une veille quotidienne sur ce passionnant environnement que je partage au travers de mon compte Twitter. Vous pouvez lire mes analyses sur mon blog, sur les différents livres numériques auxquels j’ai participé mais également, bientôt, vous procurer mon ouvrage « La Pratique des Médias Sociaux » qui devrait très prochainement être publié.

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