Quand les agriculteurs cultivent Twitter : le tweet est dans le pré

Vous pensiez que Twitter était réservé aux geeks ? Détrompez-vous, les agriculteurs français sont tout autant accros aux tweets : de vrais community managers rustiques. Twitter, c’est un peu le mot que tout le monde a la bouche dès qu’on aborde un sujet lié à la communication. On doit forcément y être. Quand on y réfléchit, c’est assez insolite de voir des agriculteurs utiliser Twitter. Sans vouloir être méchant, cela n’a juste aucun rapport, des secteurs complètement opposés, l’agriculture n’est pas une industrie connectée, et surtout n’en a pas besoin, c’est un business très codifié, B2B et avec une clientèle offline.

 

« Si on n’utilise pas ces technologies, on va se passer d’un relais de croissance. »

En fait, c’est avec surprise qu’on observe l’explosion de Twitter chez les paysans, un véritable outil qu’ils adorent. « Les paysans ont besoin qu’on parle d’eux » nous dit Jean-Luc Lassoudière. Enfin surtout les paysans ont besoin de parler au monde extérieur apparemment. De communiquer, d’exprimer leurs vies, mais reste à savoir si c’est vraiment utile et rentable sur le plan business, au delà du côté convivial.

 

« Twitter est une opportunité. Un terreau complémentaire dans la communication. »

Selon une étude de BVA (2012), 81% des agriculteurs français utilisent tous les jours internet, donc 45% les médias sociaux. Principalement pour s’informer sur l’univers agricole, dialoguer et échanger sur leur métier. Blandine, viticultrice à Chillac est elle-aussi accro à Twitter et espère pouvoir tweeter le lancement de nouveaux produits, une opération spéciale, des informations complémentaires pour ses clients. Son usage est définitivement commercial, mais pas pour tout le monde, comme Hervé Pillaud qui aime partager « des images en instantané de mon activité sur la ferme, comme une cigogne qui me suit dans un pré. » Twitter est pour lui un relais pour pousser l’information dans une stratégie globale.

 

« On retrouve dans Twitter la notion de tribu, propre aux paysans. »

Les collectivités s’y mettent aussi. Par exemple, le syndicat agricole de Charente a décidé d’apprendre l’usage professionnel de Twitter à plus de 200 agriculteurs de la région. Une formation offerte par le syndicat pour booster l’expertise des paysans dans le domaine. On imagine bien le décor, les fermiers fixés sur leurs smartphones en plein milieu de leur champ, en train d’essayer de vendre leurs courgettes par DM. Lors de la toute première session de travail Twitter pour agriculteurs qui s’est déroulée à Angoulême, les participants affirment qu’il « faut que l’on donne des infos. » On sent donc un vrai besoin de communication, de se connecter aux consommateurs, mais à la population toute entière. « On a entendu que le pape s’y était mis. On s’est dit qu’on n’était pas plus cons » témoigne Jean-Luc au journal Charente Libre.

Cynthia Kari, responsable de la stratégie digitale FNSEA, se réjouit d’une « communauté d’ageekculteurs bien active sur la toile, qui a permis de multiplier notre présence sur Twitter par 6. » Et cela ne s’arrête pas là, lors du premiers congrès agricole « connecté » cette année, un live-tweet a été organisé pour suivre les débats, et le hashtag dédié s’est retrouvé #1 des trending topics en France pendant la journée. « Une réussite qui laisse présager le meilleur sur l’utilisation des réseaux sociaux par les agriculteurs » nous rappelle Cynthia.

 

« Être où les gens sont pour pouvoir leur passer nos messages. »

Mais dans tout ça, ce n’est pas ça qui choque, tant mieux si les collectivités prennent conscience des opportunités de Twitter, et qu’on offre une découverte de l’outil. Ne me dites pas que vous allez suivre votre marchand de légumes sur Twitter, à part si c’est un proche. Surtout que Twitter n’a absolument aucune offre publicitaire pour les petites entreprises (minimum $5000). Ce n’est pas parce que tout le monde en parle que Twitter est pertinent pour toutes les entreprise, oh que non. Cela prend du temps, des efforts, et il y a un fort risque de perte d’énergie, pour très peu de résultats (pas par incompétence, mais parce que tel secteur d’activité n’a pas besoin de tel média). Ce qui me pose problème, moi, c’est qu’on fait croire à certains professionnels que Twitter va forcément leur apporter davantage de ventes, juste avec quelques tweets, en un claquement de doigts. Certains n’ont apparemment pas compris que les réseaux sociaux n’étaient pas fait pour tous les secteurs, surtout pas Twitter. Il faut simplement savoir que communiquer sur Twitter quand sa cible n’est pas connectée est inutile et une perte de temps.

 

« L’impression de débroussailler un territoire encore vierge. »

L’avenir réserve cependant de belles promesses pour les agriculteurs. Hervé Pillaud, secrétaire général de la Chambre d’agriculture de Vendée, affirme avec conviction que « les retours sont pour l’instant plus que positifs, l’image que le grand public aura demain de l’agriculture sera en grande partie lié à ce que nous ferons sur Twitter« , mais avoue également que les agriculteurs ont « l’impression de débroussailler un territoire encore vierge. » Même discours pour Franck Pellerin, conseiller économique, social et environnemental de Bretagne : « Twitter permet de franchir plus facilement les frontières de notre branche. C’est un média plus efficace que la presse ou la TV : plus réactif, plus objectif, plus concis. »

Pour la petite anecdote de fin, la France possède désormais un veau appelé Hashtag, né il y a quelques semaines, et baptisé virtuellement par les followers d’un agriculteur en Vendée. L’agriculture française est définitivement portée sur l’avant, et s’empare de Twitter comme l’outil qui leur manquait pour être à la mode contemporaine !

A propos de l'auteur

Alexandre Jouanne

Alexandre Jouanne  (14 articles)

Digital creative à Paris, précedemment à Sydney / 22 / Médias sociaux, publicité et technologie / Community manager de temps à autres / ex @Vanksen / Blogueur pour My Community Manager évidemment, et d'autres (Socialbakers, Rue89).

Création WordPress à Paris, Sion et Dakar - Social Media et Community Management à Marseille