La mécanique de la micro-polémique sur Twitter. Le cas Eolas

Séisme dans la Twittosphère, l’un des comptes les plus suivis, Maître Eolas, a été fermé par lui même suite à son procès perdu pour injure et diffamation. Le propos était le suivant :

« Je me torcherais bien avec l’Institut pour la justice si je n’avais pas peur de salir mon caca »

La peine fut 2.000 euros d’amende avec sursis et 5.000 euros de dommages et intérêts. L’occasion de voir l’étendue que peut avoir ce départ sur Twitter. Pour mener à bien l’analyse, j’ai repris les tweets  via Visibrain Focus TM comportants les mentions suivantes  :

  • eolas
  • maitreeolas
  • maîtreeolas
  • @maitre_eolas

I. Récit sur Twitter

Au départ, certains mentionnent déjà le futur procès de Maître Eolas :

C’est vers 13 h 48 que le premier tweet informe que Maître Eolas a perdu son procès :

Le premier tweet qui remarque l’absence du compte de Maître Eolas mentionne directement le hashtag « cacagate » :

Un des premiers journalistes à répercuter l’affaire est Julien Mucchielli :

Le choc de l’information fait que ce message sera l’un des plus retweetés. (405 fois) Certains n’ont même pas 1 heure de retard qu’ils se sentent « débarqués » :

Mais dans l’ensemble, la plupart des messages proviennent d’abord de haters :

Et là les discussions vont fonctionner par « à-coup » au fur et à mesure des communautés touchées :

Capture d’écran 2015-10-19 à 15.03.54

Et surtout en fonction des journalistes et médias qui vont répercuter l’ensemble :

L’ensemble est très clair quand on fait la cartographie de la propagation :

Eolas

Puis, les choses se calment rapidement et les conversations se font nettement plus rares. On aura des rappels lorsqu’il publie sur son blog :

Et lorsqu’il a fait appel :

L’activité fut sinon bien calme à l’exception de quelques nostalgiques :

II. Analyse

1. Analyse de la courbe du temps

TImeline Eolas

Le tout a typiquement l’air de la Breaking news qui fait parler d’elle sur le moment même avant de disparaître totalement des débats par la suite. Le tout a touché pas mal de personnes (12 700) sur une courte période. On a donc le modèle parfait du « Buzz » éphémère qui disparaît ensuite, l’ensemble suivant une courbe de gauss.

2. Analyse des tweets

Il n’y a pas eu de cristallisation de la chose puisque dans les hashtags, le simple « Eolas » mène la danse :

Tableaux des hashtags Eolas

Seul le #cacagate aurait pu faire l’objet d’un rassemblement, mais ce n’est pas réellement le cas. Dans les expressions, on retrouve des éléments très factuels malgré que je n’ai pas pris en compte les différents retweets dans le classement du wordcloud :

Eolas Expression

Dans les comptes les plus mentionnés, on aurait pu trouver l’institut de justice par qui la condamnation est venue. Il n’en est pourtant rien :

Capture d’écran 2015-10-19 à 11.28.43

Là aussi, tout se concentre sur Maître Eolas. Dans les tweets qui ont été le plus retweeté, on retrouve essentiellement des informations, signe que tout le monde a voulu partager à son réseau l’information. Il n’y a finalement pas vraiment eu non plus de nombreux tweets humoristiques :

Capture d’écran 2015-10-19 à 11.32.11

3. Analyse des mentions

Pour analyser les mentions, j’utilise l’analyse des réseaux, qui considère chaque utilisateur de Twitter comme un point, et chaque relation entre twittos crée un lien. Je spatialise ensuite les échanges en mettant les gens les plus connectés à l’ensemble du réseau au centre et ceux qui ont le moins sur les extérieurs. Ceux qui comptabilisent le plus de mentions/retweets sont plus « gros » que les autres et j’attribue enfin une couleur à chaque communauté sur base du fait qu’ils ont beaucoup de liens en commun.

EOlas

On y retrouve les différents médias et les tweets que l’on a vus. L’institut Justice est bien visible grâce au tweet suivant :

On voit également en bas à droite (en rouge) que les communautés FrDeSouche ont récupéré le débat :

Capture d’écran 2015-10-19 à 14.17.08

Conclusion

La mécanique de la micropolémique sur Twitter

Dans l’ensemble, on pourrait schématiser ce cas Eolas comme n’importe quelle micropolémique sur Twitter :

1. La phase informationnelle
Durant cette phase, tout le monde suit le cours de sa petite vie lorsque soudain, l’information survient. Généralement celle-ci provient d’une source locale. On voit par exemple ici que le premier journaliste qui en fait l’écho est un journaliste spécialisé en affaires juridiques. Lors de l’affaire du Thalys, il s’agissait également d’un journaliste local qui était le premier à répercuter l’affaire. Le gros des tweets autour de cette affaire est de l’ordre de l’informationnel où l’on voit beaucoup de « feu d’artifice » dans la cartographie, mais peu de dialogue entre les différents intervenants.

2. La phase émotionnelle 

Pas vraiment de phase émotionnelle ici. Toutefois pour certains, il s’agit d’un « choc »

3. La phase de transition

Durant celle-ci, l’information va se propager. Certains vont « débarquer » (comme le tweet que l’on a vu) parce que nous ne sommes pas égaux face à la réception informationnelle (certains travaillent, ont d’autres choses à faire, etc. Durant cette phase, il va également y avoir tous les « commentaires » sur l’information. Ici, certains seront contents, d’autres mécontent et le feront savoir.

4. La phase d’intérêt

Passé la phase d’information et autres, certains vont détourner la news pour faire leur propre publicité. C’est l’exemple de FrDeSouche qui essaie de montrer que tout cela n’est qu’un tas de bobo de gauche. Les blagues vont aussi survenir :

https://twitter.com/StagiaireDeBFM/status/651496058481192961

5. La phase de désintérêt 

Finalement, tout retombe aussi vite que cela est monté et l’affaire tombe dans l’oubli. Seuls quelques-uns reviennent sur le cas de façon sporadique.

Et pour cause, Twitter est déjà reparti sur une autre information, qui sera commentée, détournée, et puis qui tombera dans le champ du désintérêt au profit d’un autre buzz, etc., etc.

On est bien peu de chose

La vraie conclusion est que finalement, il ne s’agissait que d’une information répercutée dans un microcosme. Les médias ont largement relayé l’information, mais cela n’a pas véritablement  laissé un gros stigmate ou même déclenché un bad buzz envers l’Institut pour la Justice. Au final :

Signe que sur Twitter, les gens sont bien peu de chose, et ce même s’ils ont 180 000 followers.

A propos de l'auteur

Nicolas Vanderbiest

Nicolas Vanderbiest  (10 articles)

Nicolas Vanderbiest est assistant et doctorant à l'Université Catholique de Louvain sur les crises de réputation des organisations sur le World Wide Web. Il tient un blog sur le sujet (www.reputatiolab.com) et publie les mémoires des crises 2.0, un observatoire qui reprend statistiquement toutes les crises 2.0 qui ont eu un écho sur la scène médiatique francophone depuis 2004.

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