Les 5 nouveaux défis du community manager

À l’heure où la normalisation du métier de community manager est tellement conséquente qu’il vient de faire son entrée au dictionnaire, il convient de faire le point sur les défis qui attendent ce métier en constante évolution.

1. La lutte contre la contamination de la vie privée et la pression constante.

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Le community manager a pour définition l’obligation d’être réactif. Une de ses capacités premières pour laquelle il fait valoir son expérience est donc d’être en mesure de réagir à n’importe quelle situation dans un temps de réaction excessivement court. Selon Brickfish, ce temps est de 30 minutes pour Twitter et 60 minutes pour Facebook.

Cette pression peut rapidement devenir anxiogène dans la mesure où il faut être constamment en état d’alerte et à l’affût de la moindre notification.

De plus, les heures idéales pour poster des annonces sur les réseaux sociaux coïncident souvent avec les heures de fin de bureau. L’angoisse peut alors survenir lorsqu’on quitte le lieu du travail pour effectuer le trajet qui relie le community manager vers son domicile. Le paradoxe sera dès lors que le community manager, une fois dans son espace privé et libérer de son obligation a comme premier réflexe de regarder ce qui s’est déroulé durant son absence. De même lors des repas et soirées, le smartphone et la tablette ne seront jamais loin. Enfin, l’heure de se coucher coïncide généralement avec le dernier « check-up » aussi indispensable au community manager pour pouvoir tenter de fermer l’oeil que la veilleuse ou berceuse pour un bébé.

Comme le community manager est dans une tranche d’âge assez jeune, une situation de normalité va se créer. : il est normal d’être constamment joignable ; il est normal qu’il y ait une contamination entre vie professionnelle et vie publique et le fait d’être réactif et joignable est une des caractéristiques qui fait un bon community manager. Cependant, au moindre problème dans l’organisation, le community manager devient une éponge et coule si ce problème a un volet externe. Car celui-ci est au front, il subit les attaques de plein fouet et n’a aucune possibilité de déconnecter par rapport à celles-ci.

Si le problème de hyperconnectivité se pose pour des personnalités publiques comme Guy Birenbaum, il est certain que le community manager vivra cette problématique qui n’a pas encore émergé du manque de recul par rapport à la situation. Toutefois, ces problèmes sont déjà présents pour des docteurs, infirmiers, cadres et autres métiers dont la digitalisation de la société a empêché toute possibilité de rupture avec le milieu professionnel.

Le défi du community manager consistera donc à pouvoir compartimenter ses différentes vies. (loisirs, job, famille et métier)

2. Le community manager devra prouver sa rentabilité.

Si le community manager a pu éluder l’aspect du ROI, en parlant d’abord de RONI (Return of NON investment) et où certains gurus bottent en touche via des phrases aussi puissantes que « je n’ai jamais vu de document décrivant le ROI des toilettes, pourtant on ne peut s’en passer », il va être de plus en plus important de justifier sa rentabilité, car s’il est vrai qu’une présence sur les réseaux sociaux est aussi importante que les toilettes d’une entreprise, il n’est pas dit que cette présence doit être gérée par le community manager ou que certaines équipes pléthoriques (parfois composée de plus de 6 personnes dans certaines organisations) devront être maintenues.

Le fait est qu’après plusieurs années d’activité, certains départements marketing vont commencer à compter les points et remarquer que l’investissement pourrait être redistribué. En effet, face à une perte du reach sur Facebook, la découverte d’un reach presque aussi peu quantitatif sur Twitter (alors que la plupart des logiciels de veille comptent encore les impressions comme si l’entièreté des followers voyait les messages), il va devenir plus important de préparer des messages moins fréquents, mais plus qualitatifs et surtout payants. Du coup, mieux vaudra enlever un community manager dans ces effectifs de façon à permettre la sponsorisation des messages.

Le ROI d’un community manager sera donc un autre défi pour celui-ci afin qu’il ne voie pas ses attributions migrer vers le service presse ou marketing.

3. Le community manager va devoir sortir de la dictature du chiffre dans laquelle il s’est empêtré.

Corollaire du deuxième défi, le community manager va devoir sortir de la dictature du chiffre dans laquelle il s’est lui-même empêtré. Le fait est que le community manager est de moins en moins conscient des plateformes dans lesquels il s’insère. Du Edge Rank, à la connexion des Twittos, il ne peut plus savoir ce que devient le message une fois qu’il a introduit cela dans la plateforme. Ce schéma, bien connu de la cybernétique et de la systémique est devenu celui d’une boîte noire :

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Le community manager entre un message (entrée) dans un dispositif (Facebook, Twitter, etc) dont il ne sait pas ce qui en advient. Le seul retour (Feed-back) qu’il reçoit sont des likes, favoris et shares. Du coup, il n’a l’impression de bien travailler que lorsqu’il reçoit de l’engagement. De fait, un message qui ne susciterait plus d’engagement n’aurait alors aux yeux du community manager plus aucune fonction pour remplir les objectifs marketing.  Cette situation a créé un système dans lequel le community manager se focalise plus sur les KPIs que sur ses objectifs marketing :

Dans le même temps, il a fallu que le community manager prouve néanmoins à ces décideurs qu’il faisait du bon travail. Là où tout a toujours été compté en impressions, en GRP et autres joyeuseries chiffrées, le community manager n’a eu à offrir que des courbes d’impressions fallacieuses (car inexactes) et d’engagement qui ne peuvent logiquement que descendre à mesure que le reach descend et que l’attention devient un bien rare face à l’explosion de toutes les organisations présentes. Cette situation a créé un état de fait où le chef du département ne reçoit plus que des courbes chiffrées dont l’utilité reste encore à démontrer.

Pour sortir de cette boîte noire, le community manager pourrait de plus en plus se réapproprier des plateformes qu’il possède afin de communiquer avec ses utilisateurs.

Le défi du community manager sera dès lors de ne plus tomber dans le piège du chiffre, de sortir de la boîte noire, et surtout de changer la vision de son travail que son supérieur hiérarchique reçoit chaque mois. 

4. Ne plus regarder dans l’assiette de ses innombrables voisins (et de ses études à la noix)

Le problème du community manager, c’est qu’ils regardent abondamment ce que font les autres. De plus, il est structuré autour de communautés de community manager puisque jamais autre métier n’aura eu autant de structuration entre confrères.

Cela mène à une situation de consanguinité aiguë. Prenons l’exemple de deux marques belges de supermarché : Delhaize et Intermarché Belgique.

Elles produisent exactement le même contenu ce qui ne donne aucun avantage stratégique par rapport à l’autre. De fait, tout le monde copie encore et encore les mêmes « best practices » ce qui mène à la situation loufoque qu’alors que la règle numéro 1  de chaque stratégie marketing est d’avoir une « unique selling proposition », il y a une confusion totale des organisations dans leur présence sur les réseaux sociaux.

De même, les community manager consomme tous les mêmes études dont j’ai allègrement remis en cause la véracité scientifique dont le principe fondateur est de proposer un melting pot de millions de pages pour donner une conclusion tout à fait fallacieuse. Or, il est nécessaire pour le community manager de comprendre que le seul laboratoire « test » qui lui donnera toutes les conclusions essentielles à sa stratégie est sa marque et son territoire d’expression.

Le défi du community manager consistera à regarder sa marque, ses valeurs et ses propres enseignements.

5. Assurer son avenir

Dans un métier où les perspectives de monter dans la hiérarchie sont plutôt moroses(le poste de social media manager ou changer pour un employeur plus important),  le danger du community manager est de se lasser de sa vie monotone.

Car pendant ce temps-là, le monde online évolue à grands pas et les qualifications augmentent constamment (importance de la vidéo, création de nouvelle plateforme, intégration de nouveaux types de cookies et de techniques de retargeting, etc.), et ceci alors que la majorité des étudiants de la nouvelle génération ont un fort appétit pour tout ce qui a un rapport avec les réseaux sociaux. Il n’y a qu’à voir le flux d’étudiants venant dans mon bureau en voulant démarrer un mémoire sur ce sujet.

Or, le nombre de filières postulant au poste de community manager est plus que conséquent. (Sociologie, journalisme, communication, etc.) Les employeurs pourraient ainsi profiter d’une main-d’œuvre qualifiée à faible coût. Le spectre du stagiaire était déjà présent. Celui du profil junior pourrait bien pointer le bout de son nez. Si l’on conjugue cela avec la difficulté de prouver un ROI conséquent, le community manager pourrait perdre des opportunités s’il ne fait pas sa migration vers un profil de communicant.

Le défi du community manager sera donc d’entretenir sa flamme et ses connaissances sur son métier.

Conclusion

Le métier de community manager est encore très jeune et il est difficile de dresser les perspectives de celui-ci dans un monde qui évolue de plus en plus vite, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un secteur très mouvant et influencé par les nouvelles technologies.

Pourtant, le community manager peut dès à présent préparer quelques aspects afin d’être un meilleur professionnel à l’avenir, car il y a fort à parier qu’il n’y aura plus de place pour tout le monde et que l’heure du métier d’avenir est révolue.

A propos de l'auteur

Nicolas Vanderbiest

Nicolas Vanderbiest  (10 articles)

Nicolas Vanderbiest est assistant et doctorant à l'Université Catholique de Louvain sur les crises de réputation des organisations sur le World Wide Web. Il tient un blog sur le sujet (www.reputatiolab.com) et publie les mémoires des crises 2.0, un observatoire qui reprend statistiquement toutes les crises 2.0 qui ont eu un écho sur la scène médiatique francophone depuis 2004.

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