Social marketplaces : le nouveau challenge du Social Média Management ?

Une invitation à sortir des sentiers battus…

« Failing to plan is planning to fail ». En cette période de rentrée où la préparation de la feuille de route 2013 va être un sujet central pour les directions marketing et commerciales, cette citation de Benjamin Franklin résonne comme un mantra dans bien des couloirs d’entreprises ! Jalon incontournable de l’année, cette projection va initier beaucoup de décisions : la priorisation des objectifs pour chaque service, la répartition des ressources et du budget, les évolutions de postes, les dossiers prioritaires avec les agences/ cabinets de conseil… qui devront elles même s’adapter aux attentes de leurs clients.

En tant que responsable de l’activité Social Media, l’exercice peut prendre différentes formes en fonction de la maturité du marché et du secteur sur lequel vous évoluez, mais l’exercice a cela d’intéressant qu’il permet de se reconnecter avec la réalité des enjeux de l’entreprise, que le quotidien peut faire perdre de vue. C’est l’occasion de prendre du recul face à l’innovation permanente des outils que nous utilisons pour se concentrer sur les éléments qui ne changeront pas dans nos business. Intéressant ? Incontournable surtout. Car c’est une occasion unique de tout remettre à plat, challenger ses propres actions… mais aussi ses propres convictions.

Le SMM doit il se limiter à la brand equity ?

Le SMM a participé et participe encore à l’évolution de nombreuses entreprises vers une nouvelle appréhension de la relation client et une vision élargie du capital marque. Cette phase demande beaucoup d’efforts pour les entreprises, beaucoup de transformations. Un challenge relevé avec succès pour un grand nombre d’entre elles, laissant entrevoir une maturité surprenante pour cette jeune activité. Sa place au sein de l’entreprise ne semble plus devoir être à justifier, tant sa valeur ajoutée dans une stratégie de branding déployée sur les deux axes que sont le relationnel et l’aspirationnel est importante. Preuve en est, dans une récente étude réalisée par Régionsjob et ANOV AGENCY, 83% des Community managers interrogés se sentaient pleinement intégrés dans l’entreprise.

Bien entendu, toutes les marques ne sont pas logées à la même enseigne, et on ne cessera de rappeler que le déploiement d’une stratégie SMM doit se faire en bonne intelligence avec les enjeux de l’entreprise… ce qui peut parfois aboutir sur la décision de ne pas s’engager sur les médias sociaux. Mais pour une grande partie d’entre elles, les réflexions relatives au Social Média Management semblent assez mûres pour envisager une étape supérieure dans leur intégration dans l’entreprise.

Mais comment repenser le SMM ? La réponse actuelle tient souvent dans la course à l’innovation, qui  peut alors prendre plusieurs formes : de l’utilisation systématique des nouveaux outils à la mode (pinterest, instagram…) en passant par la course aux fans. Certains découvrent dans le concept du « marketing agile » un outil précieux pour justifier de la nécessité de s’adapter aux nouvelles tendances des médias sociaux. Mais cette approche est parfois déconnectée d’objectifs tangibles… débouchant inévitablement sur un « marketing fragile ».

Le danger ? Le spectre d’un cloisonnement de l’activité Social Média réduisant son rayonnement aux enjeux de son propre éco-système et aboutissant à la création d’une fonction silo dont la pérennité ne serait dépendante que de la sensibilité de la Direction Générale à la culture Web. Pour forcer le trait, nous serions en face d’une forme de mécénat culturel, financé jusqu’à ce qu’il soit chassé par la prochaine tendance funky adoptée par les consommateurs.
Pour combattre cette tendance de fond, et justifier de cette démarche « agile », la culture du résultat s’est invitée dans le pilotage des activités Social Média. Ainsi, parce qu’on ne manage que ce qu’on mesure, l’impossibilité de pouvoir définir un ROI pertinent a longtemps fait craindre l’inefficacité des stratégies SMM en termes de génération de business. Le ROO a alors permis d’apporter une solution acceptable par tous pour chiffrer les résultats, poser de nouveaux KPI, démontrer que l’activité était pilotable et apportait une réelle valeur ajoutée. Les plates-formes elles-même se sont adaptées, tel Facebook proposant des critères de ciblage de plus en plus précis.

Il semble aujourd’hui que nous ayons dépassé la simple nécessité d’apprécier la performance d’une stratégie SMM au profit d’une approche plus pernicieuse d’une course à la performance. Je suis convaincu que faire glisser l’approche brand equity du SMM sur le terrain de la recherche de la rentabilité est dangereux pour la qualité de la relation créée avec les communautés. Mais cette multiplication des outils de mesure, des leviers marketing sur les réseaux sociaux ne devrait-elle pas nous alerter sur la nécessité d’ouvrir une nouvelle voie du SMM : l’approche transactionnelle ? N’est-il pas temps que ce sujet tabou ne soit plus perçu comme un retour en arrière mais une réelle innovation dont la relation client/ marque pourrait être la grande gagnante ? Et si je vous disais que cette tendance est déjà en marche…?

Anticiper l’inéluctable évolution vers du transactionnel : l’exemple des marketplaces.

Dans un récent article sur ce blog, Mélaine Jacques nous prévenait à juste titre qu’un « gestionnaire de communautés doit identifier les espaces conversationnels quel que soit le type de  plateformes où elles se trouvent ». Alors, quels pourraient être ces nouveaux espaces encore inexplorés ?

Longtemps cantonnées aux réseaux sociaux et aux communautés virtuelles telles que Facebook, les Stratégies Social Média émergent peu à peu de manière croissante dans le commerce électronique. Pourquoi les marketplaces ? L’évidence m’est apparue à la lecture du livre blanc de Philippe CORROT et Adrien NUSSENBAUM intitulé « Marketplace : l’e-commerce de demain », document dans lequel les deux auteurs tentent de comprendre comment les marketplaces pourraient transformer l’univers du e-commerce, et surtout, de quelle façon elles deviennent un vivier d’innovations structurantes pour les années à venir. Pour rédiger cet article, Philippe CORROT a accepté que nous échangions à « cœur ouvert » sur ce sujet, et je tiens à l’en remercier pour avoir participé à nourrir les réflexions de cet article.

Marketplaces, les nouveaux espaces communautaires

Commerce et social font ils forcément mauvais ménage ? La réponse est bien entendu non, et il est important de noter selon Philippe que « la dimension sociale a toujours été dans l’ADN des marketplaces : recommandations, prises de contacts, évaluations… Les marketplaces sont par natures sociales ». Les marketplaces, avenir du e-commerce, c’est une certitude pour ce dernier qui considère que la nature de ces espaces, les opportunités de gain de croissance pour les acteurs se positionnant en intermédiaire marchand, ainsi que la recherche par les particuliers d’une qualité de service irréprochable vont participer à consolider cette tendance actuelle. Une donnée à prendre en compte dès aujourd’hui pour beaucoup de responsables digitaux tant les marketplaces ont la particularité de se développer sur une multitude de secteurs d’activité (textile, bâtiment, tourisme, produits bio, ameublement, immobilier…) et de types de marchés (BtoB, BtoC et CtoC)

Or, les derniers mois ont vu s’accélérer le développement d’initiatives sociales au sein des marketplaces laissant augurer le futur rôle central que pourrait y tenir le SMM. Globalement, ces initiatives pourraient être réparties en trois catégories :

  1. De l’intégration des réseaux sociaux dans les marketplaces…: Facebook n’est ni plus ni moins que la plus grande base de données utilisateurs « disponible » et dont la popularité a nourri les aspirations les plus vives d’un e-commerce intégré à la plate-forme. Pourtant, malgré des outils récemment déployés, la mayonnaise ne semble pas prendre avec le Grand public, laissant la porte ouverte aux acteurs actuels de l’e-commerce d’exploiter cette mine d’or.
    Ainsi, certaines marketplaces ont initié de nouvelles interactions avec les réseaux sociaux propres à enrichir leurs espaces owned media. C’est le cas de Cdiscount par exemple qui a décidé d’intégrer au sein de son site l’open graph de Facebook pour capitaliser sur la viralité des recommandations à l’échelle de la communauté de chaque internaute. Une intégration qui préfigure de la place future que pourrait prendre les médias sociaux dans les outils CRM des entreprises (Social CRM) en tant que collecteur de données personnelles et de comportements d’achat.
    Une démarche vers le social shopping qui pose les premiers jalons d’une évolution de l’approche social média vers des logiques transactionnelles. Si la promesse d’une performance business est encore à concrétiser (augmentation de la fréquence d’achat et du potentiel viral des promotions du site ?), il convient de retenir la portée de cette initiative sur la façon de penser la place du SMM.
    Plus seulement utilisé comme levier relationnel, le déploiement d’une stratégie SMM dans des logiques transactionnels place la question du traitement des datas au centre des enjeux de l’entreprise. Mais beaucoup de chemin reste à parcourir pour parvenir à établir une analyse fine du funnel de conversion des plates-formes sociales. Le chantier technique est clairement un facteur de succès majeur pour ce type d’entreprises.
  2. …à la socialisation des marketplaces comme levier de performance: Un autre exemple particulièrement révélateur de la montée en puissance du social dans les marketplaces est celui de Taobao, marketplace CtoC leader du marché Chinois, qui permet l’échange direct entre des e-tailers et des clients. La marketplace devient un espace de communication, de socialisation entre les différents acteurs, aboutissant à une meilleure performance commerciale pour les e-tailers et une meilleure expérience d’achat pour les clients : « Sharing advice in online communities improves e-tailers’ performance in online marketplaces ». Cette approche est particulièrement intéressante dans la mesure où la marketplace a développé ses propres mécanismes d’interaction sociale entre clients et tailers dans un objectif d’accompagnement « pré-purchase ». L’objectif est de consolider la marketplace comme un « espace de confiance » où chaque acteur, client et tailer, participe à créer des contenus pour rendre plus transparentes les informations autour des produits et services commercialisés. Ainsi, chaque tailer façonne sa réputation en regard des interactions sociales qu’il propose avec les internautes, et la question du développement d’une expertise forte ainsi que d’un suivi client irréprochable sont au centre de la performance de chaque vendeur. Organisée en univers, la plate-forme voit émerger des leaders d’opinion sur des thématiques précise, posant la question de leur influence sur les produits vendus et de fait sur la décision d’achat des internautes.
  3. Les social marketplaces: de nouveaux espaces communautaires transactionnels. Parallèlement, une tendance se développe peu à peu avec l’émergence de marketplaces verticales qui se structurent autour des contenus et interactions entre les membres du service. Ici, il ne s’agit pas de capitaliser sur la viralité de Facebook, mais de créer un espace socialisé de partages et d’échanges autour de produits ou d’une communauté d’acheteurs. C’est par exemple le cas de Shopcade qui propose une galerie marchande virtuelle où les internautes peuvent suivre une catégorie de produits, une marque, consulter des recommandations personnalisées et acheter les produits, tout en bénéficiant également d’un cash reward ! Dans ce type de plate-forme, la visibilité des produits et des marques est entièrement dépendante des recommandations de la communauté.  D’autres plate-formes se structurent autour des contenus en mettant en avant des experts, des coachs qui vont proposer à la communauté des produits coups de cœur et échanger avec eux sur les tendances à venir au travers de boards thématiques visant à construire une communauté de passionnés et d’acheteurs potentiels. The Fancy, Everlane, ou encore Fab.com jouent aussi la carte du communautaire et tracent le chemin d’un nouveau modèle de marketplace qualifié par Fred Cavazza dans l’un de ses billet comme « un concept à mi-chemin entre blog et boards thématiques ». Des espaces où les contenus sont produits directement par les communautés, comme c’est le cas par exemple sur le nouveau réseau social Pose.

Cette socialisation des marketplaces peut-elle devenir une tendance de fond durable et impactante ? A voir la montée en puissance de Walmart sur le Big Data et l’intégration des outils sociaux qu’il opère…on se dit que les choses pourraient arriver plus vite que prévu ! Philippe CORROT considère pour sa part que « le véritable commerce communautaire, là où le social commerce trouvera sa réalité, prendra forme avant tout sur des Marketplaces verticales. […] Vraisemblablement, les mois à venir verront le marché des marketplaces se structurer autour de deux types d’acteurs : d’un côté les marketplaces classiques type FNAC, Amazon qui vont continuer à capitaliser sur leur offre élargie et la qualité de leurs services/ infrastructures. De l’autre, les marketplaces verticales, c’est-à-dire spécialisées, et pour lesquelles la dimension sociale est un facteur puissant de différenciation ».

Ainsi, s’il y a fort à parier que la majorité des marketplaces spécialisées évolueront vers un social commerce plus présent dans les mois à venir, il parait essentiel de préparer dès aujourd’hui une stratégie à déployer sur ces espaces. La curation de contenus et le système de recommandations sociales sont les deux approches privilégiées sur ces marketplaces qui soulèvent ainsi un enjeu majeur pour les marques : l’engagement d’une communauté sur des espaces non maîtrisés, a ici un impact immédiat sur les ventes d’un produit. Dans ces espaces, les marques pourraient diffuser et promouvoir leurs produits auprès d’une communauté, échanger avec eux pour bénéficier de leur feed-back.

Le CM futur chef d’orchestre multi-communautés?Le SMM de demain devra gérer une architecture complexe de communautés

Dans ce contexte, le SMM pourrait clairement être amené à intégrer un deuxième volet dans son escarcelle, à savoir la gestion de communautés décentralisées en situation de pré-achat, avec des objectifs formalisés de performances business. Stratégie de présence, identification des plates-formes, taux d’engagement de ses fans dans ces communautés, optimisation de la transformation via les recommandations communautaires, production de contenus pour enrichir ces plates-formes… De nouveaux enjeux laissant entrevoir toute la valeur ajoutée qu’apportera la bonne connaissance de ses clients sur les réseaux sociaux.

A mon sens, ces tendances actuelles rendent incontournables l’intégration des data issues du SMM actuel dans le CRM, afin de permettre l’étude de la transformation transactionnelle qui peut être faite depuis une communauté et la bonne identification des fans actifs et engagés commercialement. Ne nous méprenons pas. La création de ces indicateurs n’aura pas vocation à piloter les actions actuelles mais à préparer l’avenir d’un SMM à gérer des nouveaux espaces, profondément orientés transactionnels, sur lesquels l’engagement des communautés de marque sera sans doute un facteur clé de succès.

Quant au rôle du CM, penser son évolution à partir de l’éco-système actuel n’a finalement que peu de sens tant les variables sont nombreuses. En revanche le penser en regard de la place grandissante qu’il pourrait occuper dans la stratégie commerciale et marketing dans l’entreprise revêt à mon avis un intérêt certain. De nouveaux enjeux émergeront sans aucun doute pour ces derniers:

  • Penser une présence et une stratégie d’occupation sur ces social marketplaces avec un objectif évident d’acquisition de nouveaux clients. Une approche qui interviendra dans le processus d’achat des internautes impliquant un attachement à la marque très volatile, et donc la nécessité d’une approche ouverte, transparente et des contenus dédiés aux attentes de pré-achat des internautes.
  • Une homogénéité à garantir entre les différentes communautés : articuler les objectifs de brand management et de génération de business semble revenir à faire un grand écart bien inconfortable. Mais c’est à mon sens l’enjeu majeur à traiter dans les années à venir. Bien cloisonner les objectifs, les actions à mettre en œuvre, et ne pas tout mélanger ! L’une des principales attentes du SMM sera sans doute de proposer une architecture de communautés permettant de servir les objectifs distincts de la marque.
  • Une nouvelle place dans les enjeux de l’entreprise : vers une intégration transversale du SMM ?  Nous mettons là le doigt sur un ressenti partagé par beaucoup, à savoir la diversification grandissante des actions de SMM. Relation client, communication, communication de crise, gestion de réputation… Le SMM est par nature transversal. Ce sera encore plus le cas demain, et à mon sens, ce changement doit dès aujourd’hui être accompagné par les personnes en charge de cette activité. Intégrer une dimension transactionnelle au SMM ne revient pas à dire : « enfin nous allons faire du business sur Facebook ». C’est au contraire la perspective d’un changement culturel majeur pour les entreprises où le commerce électronique sera profondément social et générateur d’interactions. Car en impliquant de plus en plus les consommateurs, en faisant tomber les barrières entre marques et clients, en développant des espaces où les communautés alimentent elles même les aspirations d’achat de chacun (dans un contexte de multiplication de points de contacts, notamment avec le mobile)…c’est bien la connaissance de sa communauté de clients qui fera la différence demain.

Un sujet complexe et passionnant s’ouvre à nous : la compréhension des mécaniques sociales dans l’acte d’achat en fonction du type d’offres proposées et du contexte d’achat. Les marketplaces verticales, de par la diversité des intégrations du social qu’elles proposent en fonction de la nature de leurs offres, ouvrent la voie d’un nouveau champ d’investigation. Les comprendre aujourd’hui, c’est sans aucun doute se préparer idéalement pour demain.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Je tiens à remercier Philippe CORROT, Directeur Général de la société MIRAKL intervenant sur du conseil en développement de marketplaces, pour le temps qu’il m’a accordé dans la préparation de cet article et pour la qualité de nos échanges.

Sources :
Le livre blanc « marketplaces : l’e-commerce de demain » est téléchargeable à cette adresse : http://www.mirakl.com
Étude « Les community managers en France en 2012: https://www.slideshare.net/slideshow/embed_code/13223678
Une Interview de la fondatrice de Shopcade: http://www.frogvalley.net/2012/03/nathalie-gaveau-shopcade-50-millions-de-produits-et-23-000-marques-en-quelques-mois/
Étude « Implications of Online Social Activities for E-tailers’ Business Performance »: http://ssrn.com/abstract=2007108

A propos de l'auteur

Jerôme Privat

Jerôme Privat

Responsable E-marketing d'un groupe industriel depuis plus de 5 ans. Je vis le digital du côté de l'annonceur, dans ce monde de "plan à 5 ans", de "culture d'entreprise", et de "business reviews"...où le digital ne coule pas dans toutes les veines, mais où la curiosité et le partage des visions sont au centre de tout! Quand je ne suis pas devant mon écran à dévorer de l'info...j'y suis pour faire du montage vidéo! Mon autre passion! Si vous voulez prendre contact pour échanger, partager, n'hésitez pas!! :)

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