Petit Bateau : beau temps après la tempête

S’il est bien une mode ces temps-ci en matière de communication sur les réseaux sociaux, ce sont les cas pratiques de bad buzz en matière de gestion d’une communauté. D’ailleurs, souvent cet exercice ressemble plus à une lutte d’égo entre « professionnels » sur le mode « Tu as vu moi j’aurais fait mieux » où chacun y va de ses conseils, toujours très pertinents s’entend, et de ses « il aurait fallut faire ». Si parfois cette approche est assez justifié (j’admets, honte à moi, que je me suis aussi prêté à l’exercice), j’admets que la répétition des « donneurs de leçon 2.0 » par les temps qui courent commence à être agaçant. Pourquoi ? Car encore une fois au lieu de s’engouffrer dans la brèche de la critique à tout va, il faudrait mieux parfois prendre un peu de recul et analyser correctement la stratégie de marque et le positionnement de cette dernière.

Aux racines du bad buzz :

Dans le cas de Petit Bateau, et parce que c’est le buzz du moment, une partie de sa communauté a crié au scandale sur sa Fan Page à cause de ça :

Et oui, l’objet du délit est l’utilisation de stéréotypes masculins et féminins sur des body enfants. Et là, il en a fallu peu pour franchir le pas et traiter Petit Bateau de marque sexiste. Excusez-moi mais, de là, je pense qu’il faut un peu se calmer et relativiser. Je sais, tout d’abord, vous allez m’objecter que je suis un homme et que donc je ne peux pas comprendre (tiens d’ailleurs là c’est vous qui feriez du sexisme au passage). Mais je vous répondrais avec une certaine candeur teintée d’ironie que si l’on s’engouffre dans ce type de débat, je crains qu’il faille alors attaquer bon nombre d’autres marques qui ont fait des stéréotypes une « arme » de communication. Et d’ailleurs tant qu’à faire, faisons par la-même le procès de la publicité dans son grand ensemble. Mais je m’égare.

Surtout, d’ailleurs, que dans le cas de Petit Bateau, je pense que la marque était à dix mille lieues de souhaiter rentrer dans le débat vieux comme le monde de Mars et de Vénus. Pourtant les remarques et les trolls n’ont pas tardé sur cette thématique. Au contraire la marque sur son secteur enfance fonctionne comme ses concurrentes : les filles sont des princesses, les petits garçons sont des aventuriers. Et ce stéréotype, ce n’est pas Petit Bateau qui l’a inventé. C’est plutôt nous, parents, qui continuons à véhiculer cette tradition séculaire de l’opposition des sexes. Jeter donc la pierre à une marque, c’est un peu facile et par extension se dédouaner de nos schémas identitaires sociétaux.

Parlons communication :

Mais là n’est pas le débat. Revenons donc à la gestion de crise de Petit Bateau sur sa fan page. Comme vous l’aurez donc compris, pour moi à la différence récente de Deezer, il n’y a pas d’erreurs graves de Petit Bateau. En effet, la marque n’a pas tout d’abord un positionnement web exclusif. Ses cibles principales sont même plutôt captées par les média traditionnels que sont l’affichage et la publicité télévisuelle. De plus, la marque est présente « en dur » c’est-à-dire dispose d’un réseau de magasins – point ici question donc de stratégie 100% e-commerce-. La stratégie media social de Petit Bateau, du moins comme je l’ai comprise, est un plus dans son plan de communication plus général. Pas son medium principal.

En fait, l’histoire qui arrive à Petit Bateau ressemble plus au final à une tentative d’exposition de personnes qui ont fait de la lutte contre le sexisme leur occupation quotidienne, et qui saisissent n’importe quel sujet pourvu que l’on en fasse parler. Mais à vouloir faire feu de tout bois, on finit par se bruler au bucher de nos engagements. A mon avis, attaquer Petit Bateau pour une histoire de stéréotypes ne valorise pas du tout l’action « féministe ». Au contraire, le discours finit par se noyer dans celui des « rageux » et des « trolls » et donc par décridibiliser l’action et les valeurs initiales. Il faut d’ailleurs arrêter de penser que Facebook est une agora public où l’échange sur le futur du monde et l’avenir radieux après la fin du monde de 2012 sont les principes fondateurs de ce dernier. Comme il faut aussi arrêter de rêver : les marques ne veulent pas notre bonheur universel. Ce n’est que de la com’.

Concluons : qu’aurait du faire Petit Bateau ?

Exercice toujours périlleux qu’est de donner un conseil. Pour ma part, le fait de ne pas alimenter le débat et d’être resté en retrait est une bonne stratégie. En effet, s’ils étaient rentrés dans le jeu de l’échange, Petit Bateau se serait retrouvé rapidement enfermé dans le débat « Hommes, femmes, égalité des sexes mode d’emploi » qui aurait été très dangereux pour l’image de marque de l’entreprise.

Petit Bateau a bien géré sa communication car les jours suivants ces deux post sont apparus sur le mur de la Fan Page :

En ouvrant un espace de discussion sur une autre partie de sa fan page, et en déportant le débat hors du mur principal de cette dernière, la marque a très bien joué « son coup ». En effet, en assumant le fait qu’elle ne retirera pas de la vente ses body incriminés, elle prouve que même si elle est à l’écoute de sa communauté, elle sait aussi prendre des décisions courageuses. En plus, là où beaucoup de marque aurait fermé leur mur, Petit Bateau permet de poursuivre les débats, en les modérant mais sans trop s’y impliquer : que sa communauté échange, mais la marque ne prend pas, en quelque sorte, parti.

D’ailleurs, on peut le dire sans trop se tromper : Petit Bateau ne devrait pas subir les effets négatifs de ce buzz. Bien au contraire, hormis des professionnels du 2.0, et les pure players de sa fan page, son cœur de cible (la famille) ne sera pas touché par cette polémique. D’ailleurs cette dernière est à des milliers de kilomètres de ce genre de débat. Dommage peut être pour certains, mais ainsi en est le visage actuel de notre société.

Et pour clore définitivement ce sujet, je vous invite à lire cet article du Plus du Nouvel Obs qui synthétise tout ce que je viens de critiquer, où comment un magazine rentre dans des conditions métaphysiques à l’aide de psychologues et consorts et d’un titre très racoleur « Petit Bateau, la guerre des sexes aura-t-elle lieu ? », et ainsi faire d’une grenouille un boeuf (souvenez-vous d’ailleurs comment finit la fable de La Fontaine), d’un sujet lambda au final une affaire de société, alors que ça n’a pas lieu d’être….

Et vous, d’ailleurs, qu’en pensez-vous ?

A propos de l'auteur

Olivier Murat

Olivier Murat  (34 articles)

Consultant et professeur en communication 360, avec un goût prononcé pour le marketing social, l'influence des réseaux sociaux dans les stratégies de communication et la disruption, j'essaye de faire partager ma passion auprès de mes élèves, mais aussi auprès de mes clients. Curieux, ouvert, dynamique, et réactif autant de valeurs qui composent ma personnalité, et que je mets au service de mes rencontres personnelles et professionnelles. J'espère vous faire partager mes centres d'intérêt et débattre avec vous.

Création WordPress à Paris, Sion et Dakar - Social Media et Community Management à Marseille