Ode au paradoxe du CM pour les campagnes d’influenceurs

Dans le cadre de mon activité professionnelle, je me suis penché sur les pratiques des community managers concernant la sollicitation des blogueurs tant convoités. Comme certains d’entre vous, je me situe des deux côtés de la barrière et c’est donc une thématique qui me passionne particulièrement. Dans le monde merveilleux du webmarketing, on tombe de plus en plus sur le terme d’influencer marketing qui comprend la pratique du blogger outreach (sollicitation de blogueurs). Dans mon dernier billet, je parlais du potentiel inexploité entre les éditeurs et annonceurs dans la collaboration, aujourd’hui je veux me pencher sur le pourquoi de ce potentiel inexploité, selon mon expérience.

Le sujet des blogueurs qui monétisent leur activité est peut-être épineux et a fait couler beaucoup d’encre sur le net (et hop, un bel oxymore pour commencer), mais c’est une réalité au sujet de laquelle chacun est libre d’émettre son avis.

Les romantiques et blogueurs des lumières regrettent la liberté d’expression vendue à ces manipulateurs machiavéliques que sont les marketeurs et communiquants. Les autres, plus pragmatiques comprennent qu’ils peuvent en tirer profit sans pour autant compromettre leur intégrité. Partons de ce simple constat: l’influence est convoitée sur le web 2.0.

Côté blogueurs

Si tu es blogueurs comme moi (oui, je me file un petit coup de pouce), toi aussi tu connais les Emails de type:

« Bonjour, je suis X et je travaille pour Y. J’ai lu votre blog très intéressant et j’aimerais vous faire connaître notre produit génial Z. Si vous publiez un article à ce sujet, ce sera sans aucun doute un contenu à forte valeur ajoutée pour votre lectorat qui ne veut qu’une chose: acheter Z. On aura la bonté de te balancer un lien en retour et puisqu’on est super fûté, on aussi une infographie disponible sur www.entrepriseY.com/meilleure-infographie-du-monde
 
Vous pouvez me contacter à lespoirfaitvivre@entrepriseY.com »

A combien de ces Emails répondons-nous d’habitude? 1 sur 10 si on est dans un bon jour. Tout simplement parce que:

  • Dès lors qu’on a l’impression que l’Email n’est pas personnalisé, cela signifie que l’émetteur n’a pas pris assez de temps pour le faire, et c’est vécu comme un manque de respect.
  • C’est facile de mettre un Email à la poubelle – personne ne va se plaindre de ne pas avoir reçu de réponse. Au pire on fait un scandale en criant au spam. Il va voir ce qu’il va voir s’il ose me relancer.

C’est une réaction naturelle après avoir reçu des dizaines voire des centaines d’Emails de ce type, puisque agences de référencement, rp digitales, communiquants, e-commerçants… Ils sont beaucoup à vouloir passer par les blogs pour créer du backlink et communiquer.

Côté Community Manager

Si tu es (entre autre?) Community Manager comme moi (partiellement), tu as été confronté à ce problème. Effectivement, lorsqu’on est un inconnu, la prise de contact est délicate (surtout pour la première fois) car:

  • Il ne faut pas s’en cacher, quelque part on contacte le blogueur parce qu’on veut obtenir quelque chose de sa part, on a une demande à transmettre et on fait partie de tout un troupeau de personnes qui espèrent une réponse positive.
  • On sait que plus l’Email est long et plus on fournira d’explications, moins il aura de chances d’être lu et il atterrira à la poubelle. Le blogueur se dira que soit 1 – il n’a pas envie de lire un gros pavé provenant d’un inconnu. 2 – Cela ne peut être que du copier/coller donc hop, à la poubelle, quel manque de respect!
  • Pourtant nous sommes convaincus de la valeur ajoutée du projet pour le lectorat du blogueur (enfin, j’espère) et on a envie de lui écrire tout un livre…

Donc on dispose d’un champ de possibilités réduit. La prise de contact doit être courte et efficace, mais il n’y a pas 10 000 façons d’écrire un Email…

Tout est « kaputt » mais rien n’est perdu?

On passe donc à côté de nombreuses opportunités et de collaborations, parce que la pratique de la sollicitation s’est tellement généralisée, que cette overdose a donné naissance à ce paradoxe. Les « relations blogueurs » sont même devenu une expertise! J’ai donc voulu me pencher dessus dans le cadre de ce billet et pour avoir une idée du temps investi par les CMs dans ce processus.

L’enquête

Nous avons interrogé une vingtaine de Community Managers et professionnels qui ont l’habitude de coordonner des campagnes avec les blogueurs. Une vingtaine? Je vous vois arriver de loin concernant la représentativité. Le but n’est pas d’établir des statistiques représentatives (est-ce possible après tout?) et d’en faire parole d’évangile, mais plutôt d’avoir une idée du temps investi dans une telle campagne, un ordre de grandeur. Les blogueurs comprendront (j’espère) la problématique à laquelle le CM est confronté, et les CMs se retrouveront (ou pas?) dans ces chiffres.

Les résultats

Lors de cette enquête nous avons voulu quantifier le potentiel qui se perd dans le processus de sollicitation. Les causes du manque d’efficacité et les possibilités d’interprétation  peuvent être multiples. Prendre contact par Email est le moyen le plus simple mais c’est également très facile à ignorer et supprimer pour le blogueur. Pourtant, ce n’est pas manque de personnaliser la prise de contact écrite, puisque la grande majorité des CMs interrogés nous ont dit qu’ils le faisaient systématiquement. Les facteurs qui s’avèrent être les plus chronophages / pénibles sont la recherche de blogs et le temps passé à communiquer / échanger; cela pour un « taux de conversion » en publications relativement faible. 

 

 

La longue traîne

Long Tail Theory, Chris Anderson, 2004.

J’imagine que vous avez entendu parler de la Long Tail Theory (Anderson, 2004). Pour ceux qui ne la connaissent pas: il s’agit à la base d’un concept mathématique que l’auteur a transposé dans le merveilleux monde de l’entreprise. Pour résumer, le concept explique que grâce au web, le succès des commerçants en ligne est lié à la capacité de proposer un panel extrêmement large de produits qui se vendent en très petite quantité car la somme de toutes ces ventes « de niche » est supérieure à la somme des bestsellers. Preuve à l’appui avec amazon ou encore iTunes.

Tout cela pour dire: ce concept de longue traîne est à la source du problème le plus cité par les CMs interrogés: la recherche de blogs pour leur campagne est compliquée. Pourquoi? Justement à cause du nombre incroyable de blogs dans les différentes niches et thématiques… Avoir un accès rapide à cette longue traîne, c’est avoir un avantage concurrentiel.

Et si l’on s’aimait les uns les autres pour changer?

change-the-worldImaginons que nous vivons dans un monde de bisounours. Imaginons que tout le monde veuille s’aimer ou soit prêt à s’écouter. Blogueurs, que voulons-nous vraiment? Collaborer oui, mais à condition d’être rémunéré ou dédommagé (parce que oui, cela témoigne d’une forme de respect pour le travail accompli) et cela avec des annonceurs qui donneront lieu à un billet de blog intéressant pour le lectorat.

Annonceurs et solliciteurs, que voulons-nous? Beaucoup de choses: gagner du temps (le temps c’est de l’argent n’est-ce-pas?) dans la recherche, la sollicitation, la négociation et le déroulement post-publication, tout cela sans manquer de respect au blogueur. Si le potentiel qui est existant n’est pas exploité, c’est peut-être parce que les deux côtés ne font pas forcément preuve d’empathie pour comprendre la problématique d’un chacun.

 

C’est pour cela que je suis convaincu par le principe de marketplace pour ce processus de sollicitation, car ce potentiel est exploitable et ouvre des portes en faisant tomber quelques barrières supplémentaires. Pour les professionnels qui n’ont pas le temps, il existe plusieurs solutions pour essayer de minimiser les efforts qui s’avèrent souvent inutiles:

  • Passer par une agence qui est spécialisée dans la sollicitation de blogueurs et dont le business model est partiellement ou complètement basé sur l’investissement temporel nécessaire à la mise en place de collaborations.
  • Une plateforme centrale pour la mise en relation, le facteur de confiance étant un aspect important pour les blogueurs sollicités. Il en existe désormais un certain nombre, plus ou moins connues et qui diffèrent quelque peu dans leur prositionnement: IZEA (pionnier des Etats-Unis), rankseller (International), rocketlinks (France), teliad (International, plus orienté netlinking), le prometteur upfluence (Anglais et FR)… 

Ce type de plateforme permet de gagner un temps considérable dans la recherche de blogs, les négociations, règlement des factures… Selon les cas, comme mon enquête m’a permis de quantifier l’investissement temporel dans le processus de sollicitation, ces plateformes permettent d’économiser jusqu’à plusieurs heures de travail.

Sur ces plateformes même, il reste également un certain nombre de choses à améliorer pour optimiser l’utilisation et continuer à rendre la mise en contact plus simple pour les deux parties. Étant donné le panel très large d’annonceurs qui cherchent des blogueurs, il est très difficile de tous les satisfaire avec une seule plateforme. Mais ce type de solution me semble à titre personnel la meilleur pour le moment… Jusqu’à la prochaine bonne idée!

Image de couverture: A (Self) Portrait of Despression (Lloy Morgan, Creative Commmons License)

A propos de l'auteur

Maël Roth

Maël Roth

Responsable des marchés internationaux du développement en particulier en France chez rankseller international, une startup allemande qui met à disposition une marketplace mettant en relation les éditeurs et annonceurs au niveau national comme international. Serial blogueur (lovable-marketing.com et divers blogs collboratifs), passionné de Customer Experience et de marketing musical / évènementiel également.

Création WordPress à Paris, Sion et Dakar - Social Media et Community Management à Marseille