[Marketing Viral] Du sexe, du X et du buzz

Préambule : derrière ce titre racoleur, le terme « X » englobe en fait une généralité qualifiant l’ensemble des buzz ou opérations de communication virale utilisant les notions de sexe, la nudité, ou tout référent s’apparentant à la définition du « X » en France. De plus, impossible dans cet article d’être exhaustif et de présenter l’ensemble des campagnes de communication virale ayant un rapport avec le sujet. La sélection faite n’engage donc que l’auteur.

Hormis si vous avez vécu sur une île déserte ou dans un monastère ces derniers temps, vous n’avez sans doute pas pu ou dû échapper à la dernière campagne virale de Veet, nom de code  : »Minou ».  Cette campagne de buzz est assez symptomatique d’un fait plus général en matière de communication et de viralité : saupoudrez votre action de communication d’un peu de contenu interdit aux moins de 18 ans, parlez de sexe, et le succès (positif ou négatif) sera au rendez-vous. On dit bien d’ailleurs que depuis l’aube de l’humanité c’est « la chose » qui fait tourner le monde et qui est au centre de toutes les préoccupations. Alors quoi de plus normal que de l’utiliser en communication ?

Dans cette course à la réputation et à la construction rapide d’une l’image de marque, faut-il faire le buzz à tout prix, au prix d’un bad buzz souvent ? Le X est-il toujours une stratégie payante ou cache-t-il parfois un manque d’idée créative ou le recours à la facilité ? Plongeons donc au cœur de ce sujet, que quelque part, Marc Dorcel aurait pu par moments co-écrire.

Le cas Veet : Quand le buzz et l’évocation du sexe ne font pas bon ménage.

La semaine dernière, Veet, la célèbre marque féminine de produits d’épilation, a lancé une campagne virale avec comme point d’orgue une vidéo censée créer le buzz :

L’idée à la base de cette stratégie de communication : parler d’un sujet intime de manière décalée en jouant sur le double sens du mot « Minou ». La vidéo fait d’ailleurs un peu penser, en termes de traitement graphique, au buzz de l’année dernière : René la Taupe. Sauf qu’ici, pas question d’être mignon mais de parler de minou. Et même si à l’écran c’est bien une chatte qui entonne la chanson, pas d’équivoque sur le contenu de la chanson.

Si ce parti pris créatif peut s’avérer assez intéressant, surtout relativement à la cible  choisie, plutôt jeune. Le bad buzz qui a suivi le lancement était lui-aussi largement anticipable et compréhensible, compte tenu du sujet abordé. L’effet trop disruptif par rapport à l’image de marque de Veet et à son territoire de communication ne pouvait qu’aboutir à un tel résultat. En effet, la première impression que donne cette vidéo est celle d’une blague un peu potache d’étudiants qui aurait plus sa place sur le site 10 minutes à perdre que sur une opération de communication. De plus, même si la cible jeune et féminine a beaucoup d’humour, et même si des séries comme Sex and the city parlent assez facilement de sexe et autre, on reste encore, sur certains sujets, et particulièrement l’épilation du sexe féminin, dans des schémas types en France qui font que tous les sujets ne sont pas abordables d’une manière trop décalée. Et le site internet, qui n’est plus disponible à l’heure où j’écris ces lignes, enfonce encore plus le clou dans ce décalage trop important entre la marque et sa cible.

Face au bad buzz, Veet a donc choisi d’enlever sa campagne de communication et de faire amende honorable. Une nouvelle erreur qui prouve une nouvelle fois que les marques, et parfois leurs agences, ont du mal avec la stratégie internet. En effet, le web n’oublie rien. Et au lieu de faire tomber aux oubliettes sa campagne virale et son buzz, Veet l’a sans doute accentué car la vidéo est devenue, du fait de sa transformation en objet rare, un « collector » qui va être encore plus échangé et partagé. Néanmoins, certains grands adeptes de théories du marketing et de la communication professent de plus en plus que le bad buzz est devenu à son tour une stratégie de communication cohérente et impactante dans l’acquisition rapide de notoriété. Même si pour moi, je reste encore accroché à l’idée que justement ce n’en est pas une (peut-être suis-je trop old-school sur ce sujet), ce principe commence à trouver de plus en plus d’adepte.

Quand le X et le buzz font ménage :

Face au cas Veet, il existe pourtant des actions de communication virale réussies comme, par exemple, celle de l’application Iphone Nomao :

Dans ce cas, la stratégie de Nomao était la volonté de créer une notoriété rapide et efficace afin de se retrouver directement dans le top10 des applications Iphone dans l’Apple store. En tant que nouvel entrant, et surtout placé dans une niche spécifique, ces derniers ont réussi leur pari et cette opération de buzz a reçu quelques récompenses. La vidéo ne discrédite pas la marque et le taux de déçus (et en même temps qui peut croire à un scanner déshabillant ?) était pris en compte dans la stratégie, qui est, je vous le rappelle, d’être dans les premiers du top10, pour se distinguer de ses concurrents (on sait très bien que la majorité de ceux qui téléchargent une appli gratuite iphone pioche d’abord dans le top10 et compare peu).

Autre buzz mettant en scène des protagonistes en tenue d’Adam et Eve: la parodie du clip Make the Girl dance pour le lancement du jeu vidéo Guitar Hero 5 :

Là aussi, la stratégie est bonne. En effet, le fait de « surfer » sur un autre buzz est une excellente idée, surtout que les deux univers sont concomitants, à savoir la musique. En plus de toucher directement ses cibles, mais aussi un public plus large, cette campagne de communication virale ne porte pas préjudice au territoire de marque du produit mis en avant, mais au contraire y apporte une touche d’humour et un ton décalé tout particulièrement appréciés de la grande majorité des 10-40 ans.

Mais là où le X fait le meilleur ménage avec le buzz, c’est lorsqu’il  s’agit de marques ou d’institutions dont l’image de marque et/ou le discours sont en totalement adéquation avec son champ lexical et son territoire d’évocation. Et donc, de ce fait, comment ne pas citer les campagnes AIDES, toutes aussi créatives les unes que les autres.

ou

Ici, pas besoin d’enfoncer une porte ouverte. Le message de ces vidéos est clairement en adéquation avec le positionnement de AIDES et ses valeurs autour de la prévention des risques de contracter le sida lors de rapports sexuels. L’aspect créatif de ces vidéos renforcent le discours de l’association et permet aussi leur large diffusion. Sur un sujet pas évident à traiter, les campagnes AIDES sont une véritables réussite.

Moralité : oui au sexe mais pas gratuit…..

Comme vous l’aurez donc compris, mon propos n’est en aucun cas celui d’une ligue de vertu. Bien au contraire, ma volonté a été d’essayer d’attirer votre attention sur un thème certes racoleur mais sur-utilisé en publicité et en communication. Utiliser les thèmes du sexe et du X est une bonne stratégie pour créer de la viralité. C’est un fait. Maintenant, le problème se pose justement au niveau de la stratégie derrière cette campagne de communication, qui plus est virale.

Encore une fois, dans le cas du « Minou » de Veet, hormis si le bad buzz était réellement souhaité, le décalage était vraiment trop important par rapport à l’identité de la marque que Veet a construit depuis ses débuts, et aussi par rapport au sujet abordé. Adopter un ton décalé pour re-dynamiser sa notoriété, c’est bien, mais encore une fois cela ne doit pas être fait à n’importe quel prix.

Et vous alors, qu’en pensez-vous ?

A propos de l'auteur

Olivier Murat

Olivier Murat  (34 articles)

Consultant et professeur en communication 360, avec un goût prononcé pour le marketing social, l'influence des réseaux sociaux dans les stratégies de communication et la disruption, j'essaye de faire partager ma passion auprès de mes élèves, mais aussi auprès de mes clients. Curieux, ouvert, dynamique, et réactif autant de valeurs qui composent ma personnalité, et que je mets au service de mes rencontres personnelles et professionnelles. J'espère vous faire partager mes centres d'intérêt et débattre avec vous.

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