Le « buzz marketing » nuit-il à la créativité des community managers ?

Avec un titre pareil, on pourrait penser que je vais vous publier l’infographie d’une étude américaine ! Il n’en est rien…

Sur la toile, on représente le Community Manager comme un animateur qui sort à la pelle des idées originales. Pourtant, en vérité, pour être créatif sur le web, il n’y pas que les CM qui mènent la danse, loin de là. Il y a les digitals créatifs, les copywriters, les social media manager… Bla bla bla.

Nan mais allo quoi ? Vous me recevez ? Combien d’entreprises disposent d’un social media manager ou d’un planneur stratégique ? Elles n’ont pas non plus toutes des CM, mais parfois certains employés agissent en tant que tel pour peu qu’ils connaissent le “net”. Seulement, les Community Managers en herbe ou autoproclamés, qu’ils travaillent en agences, chez l’annonceur ou en tant qu’auto-entrepreneurs sont-ils pour autant de bons créatifs ? Le suis-je ?les parodies "nan mais allo quoi"

Car lorsque l’on ne dispose pas de ressources suffisantes (humaines et financières), on cherche souvent à collectionner les partages comme on peut. Quel est le mode d’emploi ? On surfe le plus possible sur les buzz du moment pour les partager, annexer une phrase humoristique pour faire rire son réseau et attendre les pouces en l’air. « Et bien oui faisons ça puisque cela fonctionne beaucoup plus que les contenus qu’on a confectionné nous-mêmes« .

Le Community Manager se doit de nourrir les échanges, de faire germer les commentaires et pour ce faire, de proposer des contenus attractifs. mais l’attractivité se résume-elle à l’écho d’un buzz ? La créativité est-elle reléguée à un second rôle face à une consommation d’informations virales ? Il y a t-il une quelconque valeur ajoutée à rebondir sur ses étoiles filantes ? Suffit t-il de montrer qu’on est dans le coup pour améliorer sa stratégie web ?

 

Surfer sur le buzz quand on a rien à dire

Internet procure l’impression euphorique que tout le monde peut avoir son quart d’heure de gloire, un peu comme avec les jeux à gratter. On sait qu’on a une infime chance de décrocher le jackpot, mais ce pourcentage donne des ailes. Chacun veut sa part du gâteau, quitte à se satisfaire des miettes.

Cette appétence peut donc nous amener à surfer sur un phénomène virale simplement pour maximiser l’impact de ses publications. Néanmoins, on n’en reste pas moins un suiveur avant d’être un créateur. Prenez l’exemple des fameux carrés Facebook (il fallait deviner le nombre de carrés présents sur une image). Cora Rennes a connu un vrai succès grâce à cette simple image qui égaillait la curiosité et engageait profondément les internautes. Face à ce succès, de nombreuses marques ont à leur tour proposées le même visuels à leur fans. Une répercussion qui se dissipe progressivement comme les ondes d’une goutte bénite qui est tombée dans l’eau. Ce qui est amusant, c’est que ce visuel existait depuis longtemps, Cora rennes n’a fait que le reprendre, sans vraisemblablement chercher à affilier ce contenu à sa ligne éditoriale. Ce signifie t-il que l’on doit être dans les premiers adeptes dans la courbe de l’évolution pour espérer profiter des bienfaits d’un contenu viral ?

courbe-innovation-rogers

Si on part d’un buzz classique, la vidéo désormais culte de Nabila, on observe que bon nombre de marques ont tenté dans les jours qui ont suivi de s’accaparer la lumière grâce à cette phrase qui restera dans les anales “tu es une femme et t’as pas de shampoing, nan mais allo quoi”, devenue par la même occasion un vrai Mème, largement diffusé et parodié. Comme à chaque apparition d’un buzz, on note donc l’émergence d’un vrai engouement populaire (détournements de la « culture lol »), mais malheureusement l’apparition d’une énergie créative annihilée de la part des entreprises. 90% d’entre elles se précipitent pour relayer le contenu sans chercher à savoir s’il est pertinent de le faire sur leurs supports communicationnels et sans créer un lien avec leur image de marque.

 

Se servir du buzz quand on a quelque chose à dire

Certains buzz deviennent de vrais schémas populaires, voire politiques puisqu’ils peuvent constituer une idée facilement transmissibles au-delà des frontières. Le harlem shake a en ce sens rapidement pris une allure d’écrin, de tremplin pour faire parler de soi ou de son message. Outre les écoles et entreprises qui souhaitaient juste montrer qu’elles ont leur propre “harlem shake”, on a noté l’émergence de campagnes très sérieuses basées sur ce phénomène (comme celui de la Croix Rouge). Il a même été utilisé par les égyptiens et les tunisiens en signe de protestations contre les salafistes ; une danse de la liberté.

Se servir d’une forme virale pour relayer un message de fond semble de plus en plus se démocratiser. Pourtant, ce phénomène n’est pas nouveau. Il en va de même avec toutes les tendances. Chaque marque faisait son libdub, sa parodie de Bref ou encore sa version du gangnam style. Outre les revendications politiques, cette astuce semble être facilement adaptable pour les Community Managers, et pour les gens de la communication en général. Néanmoins, utiliser un buzz existant pour y transposer son message constitue-t-il un manque de créativité ? La question est posée.

les buzz renvoient à des émotions primaires

Dans tous les cas, packager sa campagne de contenus viraux semble être une recette payante, car ils reposent le plus souvent sur une image, un son ou une idée universelle qui renvoient à des émotions primaires. Toutefois, même si ces repères affectifs boostent la visibilité et l’attractivité, le message passe-t-il mieux et est-il mieux retenu ? Cette uniformisation de la communication est-elle vraiment propice à ce type démarches ?

 

Créer le buzz quand on est devenu moins populaire

Vous avez probablement tous entendu parler de la révélation « tonitruante » de Carambar, qui avait averti que leurs fameuses blagues (qui aident beaucoup de dragueurs invétérés dans leurs démarches) allaient disparaître. L’ensemble du web a subitement (mais pas étonnamment) donné de la voix pour exprimer sa surprise, sa déception, et finalement son attachement à cette identité de la marque. Quelques jours plus tard, ils ont révélé la supercherie, il s’agissait d’une blague (une blague Carambar en somme…). Une campagne en apparence très originale, mais qui dans la forme me déplais.

Pourquoi ?  Ce qui me dérange, c’est le fait de prétendre avoir opéré un choix brutal, imposé et inopiné aux clients pour au final attendre une réaction des internautes. Ils deviennent donc en quelque sorte des appâts. Carambar savait pertinemment que les réactions allaient leur permettre de jouir d’une notoriété massive et soudaine. Les retombées ont été phénoménales. Et une fois que le petit journal et les JT du 13h ont bien parlé d’eux, on peut s’attendre à voir l’émergence d’une stratégie web flambant neuve, qui sait… Un peu comme si une star qui participe à « danse avec les stars » sort dans la foulée son nouvel album. Un hasard ? Non ! Un planning savamment orchestré par des marketeurs et community managers “créatifs”. Ou alors, s’agit-il simplement d’une opération marketing “one shot” ? Nous verrons… Mais leur démarche de réponses personnalisées sur Youtube laisse penser que rien n’est du au hasard. Toujours est-il que cette campagne ne plaît pas à tout le monde. Même les experts du numérique n’apprécient guère ce poisson d’avril en avance. D’autres relativisent.

la mauvaise blague carambar

Alors le buzz, ultimes coups de pub ou promotions astucieuses ?
Quand y’en a mare, y a Malabar vous le savez. Pourtant, dans l’article “Mon buzz à tout prix”, j’exprimais déjà ma crainte de voir l’apparition de communication de ce type. À l’époque, j’avais des doutes concernant le changement brutal de logo (et de stratégie) de Malabar qui a aidé la marque à revenir momentanément sur le devant de la scène (avec des tumblr sur l’histoire du logo, etc.). Au final, quels sont les impacts sur le long terme ? Pour Carambar, on peut déjà observer que leur e-reputation est à présent davantage tournée vers l’amertume des internautes que vers la congratulation des amoureux de la friandise. Est-un succès ? Doit-on mentir pour susciter un quelconque intérêt ? Doit-on se faire haïr pour mieux rebondir ?

 

Tout est bon dans le cochon ?

Les buzz sont des tendances, mais toutes les tendances ne sont pas bonnes à suivre.
Certes, les indicateurs de google trends peuvent vous inciter à surfer sur la vague, mais est-ce vraiment pertinent pour votre image de marque, pour votre réputation numérique. Il y a-t-il une vraie valeur ajoutée ?

Je ne critique pas le métier de Community Manager, mais plutôt le réflexe de partager avant de penser à l’intérêt que cet acte représente, car entendons nous bien, le buzz implique une multitude de corps de métiers liés à la communication et au marketing, il n’y a pas que le Community Manager dans l’histoire. Il est souvent tentant de surfer sur les buzz car il représente une solution de facilité. Leur utilisation peut être utile, mais il ne faut pas oublier de penser par soi-même pour créer des succès plutôt que de penser à partir de succès déjà existants.

Le buzz marketing chez OreoToutefois, articuler les buzz dans sa stratégie digitale peut très bien fonctionner, tout en faisant preuve d’une « vraie » créativité. L’exemple de Oasis, fréquemment cité, qui use régulièrement de références (faits réels, buzz) pour agrémenter leurs publications Facebook, ce qui leur confère un lien profitable avec l’immédiateté. Qui plus est, la marque met toujours en scène ses fameux fruits (donc le produit) pour évoquer ces actualités chaudes, créant ainsi une vraie plus value. Autre exemple, lors du Superbowl 2013, il y eu une panne générale qui provoqua un buzz instantané sur Twitter. Immédiatement, plusieurs marques comme Oreo ou Calvin Klein se sont servi de cet événement impromptu pour publier des contenus humoristiques en lien avec leur image de marque. Vraiment efficace.

L’idée principale pour rester créatif avec le buzz, c’est donc de le relier à son entreprise intelligemment, au bon endroit, au bon moment.

Buzz marketing ou l'art de la carotteJe terminerai sur une note volontairement provocatrice en citant un film que vous reconnaitrez certainement : « Tu vois, le monde se divise en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi tu creuse« . Alors, entre les marketeurs avides de ROI, les Community Managers avides de RT et les internautes bien « ingénus », il y a-t-il des bons, des bruts et des truands ? À vous de vous faire une idée pour savoir qui est le cavalier, qui est la monture, et qui est la carotte

Et vous qu’en pensez-vous ??
Quelle est votre définition de la créativité ? Le buzz est-il son allié ?
Je serais curieux d’avoir votre avis sur ce mini débat 😉

 

Sources images :
http://www.pro-influence.com/wp-content/uploads/2011/05/distribution-innovation.jpg
http://www.epicureweb.fr/images/articles/topelement49-gpi-w600h450zc1.jpg
http://s3.e-monsite.com/2011/01/12/10/7universelua1.jpg
http://www.laprovence.com/media/imagecache/article_detail/carambar-photo-c-etait-une-blague.jpg
http://www.wired.com/images_blogs/underwire/2013/02/Oreo-Dunk-in-the-Dark.jpg
http://image.spreadshirt.net/image-server/v1/designs/14645121,width=190,height=190/Un-garcon-et-un-ane.png

A propos de l'auteur

Ronan Boussicaud

Ronan Boussicaud  (18 articles)

Community manager / webmarketeur au sein de l'agence Useweb, je développe des analyses mêlant web 2.0 et psychologie sur mon blog « La Psyché du Web social » et participe à des ouvrages numériques collaboratifs. Je rédige aussi des articles sur des sites spécialisés (comme My Community Manager Webmarketing&Com) et anime régulièrement des conférences autour du community management et des médias sociaux. En octobre 2012, j'ai publié un ouvrage co-écrit intitulé "Tout savoir sur... La marque face aux bad buzz : anticiper et gérer les crises sur les médias sociaux" aux éditions Kawa. Grand curieux et cinéphile dans l'âme, le web social me colle à la peau. Passionné par le web communautaire mais aussi par toutes les formes de communication humaines, je crois profondément au relationnel et à l'échange. Alors, pourquoi ne pas vous joindre à nous ?

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