Ces temps-ci, on aurait pu penser que la mode de la chasse aux bad buzz 2.0 s’en était un peu allée. Mais penser que cette mode était terminée revient un peu à croire au Père Noël. Et comme le dit si bien l’adage, « chassez le naturel, il revient au galop ».
Ainsi, après des articles sur Petit Bateau et Orangina, j’ai donc succombé au petit buzz d’hier : Eram, et à son prétendu bad buzz. Me méfiant toujours de ceux qui crient trop au loup, et dès que je vois la notion de bad buzz sortir trop rapidement du chapeau 2.0 des divers commentateurs de la toile, j’ai le réflexe de prendre un peu de recul et de me dire : prenons le temps de la réflexion. Et à brûle pourpoint, on peut dire que le cas Eram aurait tendance à aiguiser encore plus ma méfiance sur cette notion trop utilisée de bad buzz.
Eram : à l’origine, une communication décalée assumée.
A part avoir vécu sur une île déserte, ou être complétement hermétique à la publicité, vous n’avez pas pu échapper à une campagne de communication d’Eram. Et si vous êtes un fin observateur, vous aurez même remarqué que malgré de nouvelles pistes créatives, le ton des campagnes reste sensiblement le même : le décalage. En guise de souvenir, remontons dans le temps avec cette publicité Eram datant de 1992 pour constater cet état de fait :
Déjà à cette époque, la marque assumait un parti pris créatif et un territoire de communication « particulier ». Ici, on peut remarquer l’inversion des sexes dans leur sens social : les hommes sont habillés en femme et vice-versa. Cette publicité avait déjà attiré quelques commentaires négatifs, mais en 1992, internet n’en était pas au stade que nous connaissons aujourd’hui. Et surtout Facebook et ses copains sociaux n’en étaient même pas à leur stade embryonnaire. Le bad buzz n’était pas encore le carton rouge de la communication 2.0 que l’on connait actuellement.
Ce temps est aujourd’hui révolu (c’était pour la minute nostalgie). Le web 2.0 et 3.0 ont changé en profondeur la manière de communiquer pour une entreprise ou une marque. Sans pour autant sombrer dans la déification du saint WWW, il faut enfoncer une porte ouverte : communiquer sur les média sociaux est une stratégie à la fois complémentaire de la stratégie globale de communication mais aussi particulière. A l’ère du social, on est dans une stratégie de « dialogue » et « d’échange », notions qui font d’ailleurs toute la complexité de la communication 2.0.
Comme beaucoup de marques, Eram est donc présente sur les media sociaux et y possède une stratégie dédiée avec des ressources spécifiques adaptées. En lançant sa nouvelle campagne de communication autour de la famille, la marque s’attendait à des retours, notamment sur Facebook, mais s’attendait-elle à la prise de parole de certaines personnes pro Famille de France ? Comme je vais essayer de vous le démontrer, en terme de mauvais retours, la marque en a sans doute fait un pan de sa stratégie de communication 2.0 générale.
Touche pas à la famille.
Vous allez sans doute me dire : mais quelle nouvelle campagne de communication ? Comme des images valent mieux que de longs discours :
Comme vous pouvez donc le constater, Eram garde son « insolence » – notion bien sûr à nuancer fortement – de ton dans la partie conception-rédaction de sa campagne de communication. Jusque là donc, rien d’exceptionnel dans le territoire de communication de la marque. Les stratèges marketing 2.0, et/ou leur agence de communication, décident de créer à l’occasion de cette campagne un onglet spécifique sur le profil Facebook, nom de code « Débat sur la famille ». Encore une fois, on est totalement raccord avec l’identité stratégique d’Eram. Vous vous doutez très bien que la marque a déjà anticipé qu’avec un tel message sur sa campagne de communication, et le thème de la famille, elle s’exposait à quelques commentaires au pire aggressifs, au mieux offensifs. Même mieux, elle appelait sans doute de ses vœux certaines réactions excessives, pour créer du buzz, ou du moins de l’intérêt, surtout avec un nom de campagne aussi évocateur : « La famille c’est sacré ».
Avec la thématique de l’identité nationale, celui de la famille est aujourd’hui un sujet de débat très « tendu ». Il ne faudra donc pas s’étonner que certaines réactions proches de la pensée « Famille de France » aient pointé leur nez rapidement sur le mur Facebook de la Fan Page :
Il est passé où mon bad buzz ?
Comme expliqué plus haut, en ayant choisi le thème de la famille et en lançant un concept de débat, Eram a, pour moi, clairement sous-entendu dans sa stratégie marketing que les commentaires « excessifs » ou « réactionnaires » faisaient partie du plan de communication et de la « ligne éditoriale » d’engagement défini pour Facebook. D’ailleurs, vous remarquerez que la modération est « légère » et que le débat est laissé ouvert, permettant à chacun d’exposer son point de vue, tant que ce dernier reste quand même dans les limites de l’acceptable. Car c’est bien d’un débat dont on parle, donc d’échanges d’idées et d’opinions sur un thème précis, avec des pour et des contre.
Alors, il est où le bad buzz ? Car bien sûr certains n’ont pas hésité à brandir son étendard fort rapidement… trop rapidement ? Sans doute. Encore une fois, et après la nécessaire analyse et le recul obligatoire avant de se lancer dans ce type d’exercice de critique, on s’aperçoit – mais vous pouvez me démontrer le contraire – que les « tensions » liées à ce type de sujet étaient dès le départ un des axes majeurs de la stratégie de communication mise en place. Je peux bien sûr me tromper, et me faire leurrer par mes certitudes, mais il me semble qu’ici nous sommes en présence d’un excellent cas de gestion sociale sur une thématique de communication réputée complexe.
Loin d’être un bad buzz, le fait que la campagne de communication « La famille c’est sacrée » soit en accord avec le territoire de communication développé depuis des années par Eram a permis une transposition plus facile sur les canaux de communication 2.0, ici plus particulièrement Facebook. Il m’est d’avis qu’Eram nous démontre ici que quand la marque respecte ses fondamentaux en terme d’image, d’historique de communication, de valeurs et d’axe créatif, il est possible d’assumer une campagne décalée et « agressive » sur le web 2.0. Malgré certains commentaires, la marque a d’ores et déjà gagné un premier pari : faire parler de son débat et créer de l’émulation à la fois positive et négative autour de sa campagne de communication. Le prochain stade sera sans aucun doute d’exploiter au mieux et de manière intelligente les gains de ce premier coup de communication.
Et puis remercions Eram qui met une estocade bien sentie aux apôtres des prophéties « bad buzziennes » (oui je viens d’inventer un mot). Ce n’est pas parce que l’on a des commentaires négatifs, virulents ou non, un élevage de troll sur sa Fan Page, que pour autant, ça y est le bad buzz arrive sur son grand cheval blanc. Bien sûr, le cas Eram ne gomme tout de même pas les mauvaises pratiques d’un certain nombre d’autres marques. Mais ça fait juste du bien quand une marque, et française de surcroît, prend des vrais risques.