Community Manager : une fonction tampon en cas de crise

L’affaire Cora, qui a suscité de nombreux débats et sur laquelle je ne reviendrais pas, m’intéresse fortement quant à la manière dont le Community Manager a été pris pour cible par certains professionnels de la toile et autres journalistes. Je rebondis dessus car c’est un constat que l’on pourrait dresser dans tous les cas de « bad buzz », que ce soit pour Nestlé, Malabar et autres.

J’ai été peu surpris de voir un Tweet d’un grand journaliste faisant un lien vers le profil LinkedIn du Community Manager de Cora, où l’on apprenait qu’il était entre autre en charge de la station-service de l’enseigne de Rennes. Ce comportement n’a rien d’isolé, il suffit d’être sur la toile pour appréhender la récurrence de la mise au pilori d’une fonction qui fait tampon.

 

Voir l’indicible

Dans l’exemple de Cora, des centaines de consommateurs sont venu se ruer avec rapidité sur la page Facebook de l’enseigne pour exprimer leur mécontentement. Qu’y peut le Community Manager ? Rien probablement, il se retrouve soudain noyer dans le brouhaha. Sa principale erreur ? Avoir pensé en priorité à modérer les propos. Est-ce accablant ? Pas vraiment, lorsque l’on voit déferler un tel flot de haine et d’injures, tout communicant ayant bac +12 ou 10 ans d’expérience peut perdre ses moyens et son discernement. La problématique vient plutôt dans la gestion sur le court terme (et non l’instant) de la crise, ou comment le groupe a réagi (communiqué de presse, vidéo virale). Car il s’agit bien là du groupe, en entier, et pas seulement du Community Manager qui va s’exprimer.

Toute personne ayant travaillé pour de grandes entreprises connait les différents niveaux de hiérarchie et la lourdeur de la mise en application de certaines formes de communication. Or, les professionnels et autres journalistes ne se concentrent que sur ce qui est visible, rarement sur ce qui est indicible. Plutôt que de porter une critique acerbe sur les antécédents professionnels ou sur la capacité de réaction à un événement, ils doivent plutôt s’interroger sur les mécanismes sous-jacents.

  • · Le groupe a-t-il fait appel à une agence spécialisée dans la crise, si oui qui et qu’ont-ils fait, si non pourquoi ?
  • · Comment est hiérarchisé le groupe et par là même comment l’information se diffuse-t-elle ? Quel est le niveau d’autonomie du Community Manager ? A combien de supérieurs doit il répondre de ses actes ou attendre des directives en cas de crise (chef de service, directeur de département, direction locale, direction générale) ?

Il faut bien comprendre que le Community Manager est toujours la face visible de l’iceberg et donc, de ce fait, la personne en première ligne lorsqu’il y a une défaillance dans une communication de crise, quand bien même il ne fait que répondre à des directives de ses supérieurs. Il faut donc plutôt se focaliser sur la partie immergée, ce qui est, je consens, peu évident.

Les attaques sur les antécédents sont peu productives

Fonction récente, il est toujours facile d’attaquer son CV pour le conforter dans la nullité de ses gestes. On le pressent communicant, mais la fonction de Community Management aujourd’hui se retrouve dans de nombreuses sphères, comme les RH ou la force commerciale. Inutile donc d’être uniquement un pro des marques pour occuper ce poste, pour peu que l’on ait certaines aptitudes naturelles. Je précise également que des Community Manager reconnus ont suivi des études qui n’avaient rien à voir ni avec internet, ni avec la communication. Par ailleurs, si l’on prend des grands noms de communicants comme Jacques Séguela, nous pouvons constater que ces derniers n’ont toujours rien compris au web communautaire.

Le Community Manager est à mon sens un animal hybride qui peut occuper plusieurs fonctions au sein de l’entreprise et qui a une certaine facilité à appréhender les nouveaux médias. Je ne vois pas pourquoi un employé de chantier ne pourrait gérer une page Facebook, sérieusement. S’il a une faculté à communiquer naturellement, à échanger, qu’il maîtrise parfaitement la technologie, où est le mal ? On a trop tendance à se focaliser sur des antécédents liés à une personne pour analyser une situation actuelle, là où l’on devrait chercher l’indicible pour comprendre un tout. Il faut identifier l’ensemble les mécanismes sous-jacents qui ont amené à cette rupture.

Une communication sur les médias sociaux ne se résume pas au Community Manager

Le métier de Community Manager est donc confronté, il faut l’avouer, à un effet tampon où il pourra facilement être identifié comme responsable d’un échec là où d’autres acteurs oeuvrent dans l’ombre. La prochaine fois que vous verrez une communication de crise échouée, prenez du recul dans le temps pour analyser les facteurs clés d’échec et essayez de vous renseigner sur l’indicible, quand bien même cela est difficile.

 Source image : http://www.finalclap.com/ressources/images/wanted0.jpg

A propos de l'auteur

Antoine Dupin

Antoine Dupin  (8 articles)

Passionné par Internet et la communication, j’ai la chance d’en faire mon métier. Spécialiste des médias sociaux et des relations d’un internaute à une marque, j’effectue une veille quotidienne sur ce passionnant environnement que je partage au travers de mon compte Twitter. Vous pouvez lire mes analyses sur mon blog, sur les différents livres numériques auxquels j’ai participé mais également, bientôt, vous procurer mon ouvrage « La Pratique des Médias Sociaux » qui devrait très prochainement être publié.

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